Sur le plan économique, il est intéressant d’étudier la soutenabilité de la dette publique des pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), car les pays de cette communauté envisagent de créer une monnaie unique d’ici 2024. La création d’une zone monétaire respecte un certain nombre de conditions en vue de la stabilité et de la visibilité de cette zone. Le Centre Universitaire de Recherche pour le Développement Economique et Social, CURDES, a mené une étude sur le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda, la Tanzanie et le Kenya.
Théoriquement, la dette est soutenable si le pays peut rembourser à l’échéance et s’il est à mesure de continuer à faire face à ses autres engagements. Analytiquement, la dette est soutenable si les ratios de la dette convergent vers une limite finie. Les données utilisées proviennent de la base de données de la Banque Mondiale, ‘’ World Development Indicators ‘’ et portent sur le service de la dette, la charge d’intérêt, le PIB, le PNB et les exportations de chacun des pays de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Sur base de ces données, on a construit les ratios de la dette. On a fait également recours aux tests de racine unitaire et de co-intégration pour apprécier la soutenabilité et conclure sur le respect ex ante des critères de convergence macroéconomique.
Pour le professeur Frederick NIMUBONA qui a mené cette étude, la soutenabilité de la dette correspond à la situation d’un Etat dont le paiement du service de sa dette est assuré sans qu’il y ait particulièrement besoin d’ajuster sa politique budgétaire dans l’avenir. Selon IDA et FMI (2001), ‘’ On dira que la dette extérieure d’un pays est soutenable s’il peut honorer totalement ses obligations en termes de services de la dette sans recours à des restructurations de sa dette, sans accumulation d’arriérés et sans compromettre sa croissance’’. La soutenabilité se caractérise par le fait qu’à long terme, un rapport jugé pertinent entre la dette et un flux de ressources (recettes publiques, exportations,…) reste stable ( Raffinot, 1998). Bref, la soutenabilité de la dette renvoie à la capacité d’un pays à assurer le service de sa dette publique sans compromettre les objectifs du développement à long terme. La dette publique est alors réputée soutenable, si son encours est inférieur à la valeur actualisée des futurs excédents primaires.
Mais parallèlement à la volonté de création de monnaie unique, les faits stylisés des économies des pays de la CAE indiquent que :
- Les taux de croissance sont des plus faibles de l’Afrique subsaharienne ;
- Les taux d’exportations du Burundi et du Rwanda sont plus faibles et se situent à 10% de leurs PIB. Seuls le Kenya et la Tanzanie ont des taux stables et supérieurs à 20% du PIB.
- Grace aux mécanismes de remise de dette, notamment dans le cadre de la Politique Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), les pays de la CAE ont bénéficié de cette politique jusqu’à plus de 50% de leurs dettes extérieures. Mais avant la mise en œuvre de cette politique, leurs taux d’endettement étaient très élevés, avoisinant même 100% du PIB vers les années 1990. Ce qui devrait alors conduire ces pays à s’imager ce que devrait être la dette en l’absence de l’initiative PPTE.
- Dans l’ensemble, la CAE a enregistré une croissance réelle de 6,2% en moyenne en 2006. La Tanzanie a enregistré la plus forte croissance, soit 6,7%, suivi de l’Ouganda et le Rwanda 6,5% tandis que le Kenya et le Burundi ont enregistré 6,1% et 5,1% respectivement.
Les résultats obtenus après le test de Co intégration de Johansen
Le Professeur Frederick NIMUBONA a conclu que la dette extérieure du Burundi n’est pas soutenable sur la période 1980-2018. Au Burundi, il n’existe aucune relation de Co intégration ni entre la dette et le PIB, ni entre la dette et les exportations. Dans le cas du Kenya, de l’Ouganda, du Rwanda et de la Tanzanie, il y a au moins une relation de Co intégration, d’une part, entre la dette et le PIB et, d’autre part, entre la dette et les exportations. Ces résultats permettent de conclure sur la soutenabilité de la dette publique extérieure du Kenya, de l’Ouganda, du Rwanda et de la Tanzanie. Même pour le Burundi, on observe une évolution parallèle entre la dette, le PIB et les exportations.
Au regard de ces résultats, il semble important pour les responsables de politiques économiques d’utiliser la dette dans le financement des projets plus rentables à base desquels chaque pays pourra constituer une épargne intérieure plus importante et d’orienter la dette dans le financement des investissements permettant d’accroitre les exportations.
Olivier BIZIMANA