Les nouveaux visages du théâtre burundais : Alain « Kay » BUTOYI : « Le théâtre m’a permis de m’ouvrir »

Les nouveaux visages du théâtre burundais : Alain « Kay » BUTOYI : « Le théâtre m’a permis de m’ouvrir »

Les nouveaux visages du théâtre burundais : Alain « Kay » BUTOYI : « Le théâtre m’a permis de m’ouvrir » ©Akeza.net

Le théâtre burundais est en plein renouvellement. Des salles qui affichent complet, des comédiens passionnés qui travaillent sans relâche, s’entraident. Ils sont jeunes, ils sont talentueux, ils représentent l’avenir du théâtre burundais.

Pour notre 4ème article sur les nouveaux visages du théâtre burundais, nous sommes allés à la rencontre d’Alain BUTOYI. Celui que la scène a surnommé « Kay » nous parle de sa passion pour le théâtre et de son rôle dans son ouverture aux autres.

Akeza.net : Comment passe-t-on du slam au théâtre ?

Alain Kay : J’aimais dessiner. A chaque fois que je me sentais seul ou à l’école pendant le temps libre, je dessinais. Lorsque j’ai intégré le club CEWIJE, j’ai fait la rencontre de la poésie avec Ezéchiel. Il nous parlait de poésie mais il nous donnait des morceaux de slam. C’est à la suite de cela que j’ai connu Grand Corps Malade (un slameur français). Il avait une voix basse et j’aime cette voix. Vu que j’aime imiter les gens, je prenais cette voix.

Ma mère et mon frère jumeaux me demandaient si je ne m’étais pas trompé de choix puisque j’aimais la littérature mais je suivais un cursus scientifique. Deux choses qui n’ont, à première vue, aucun rapport. Mais vous savez lorsque vous aimez une chose, vous ne pouvez pas toujours l’expliquer, vous l’aimez tout simplement.

Le théâtre et le slam, c’est presque la même la chose. Tu ne peux pas être slameur sans être acteur. Si tu écris un texte sur un enfant de la rue, par exemple, tu dois vivre l’émotion, tu dois, à un certain moment, incarner le personnage de ton texte. Et c’est pareil avec le cinéma.

Ça tourne toujours autour du fait de s’exprimer, sortir ce qu’il y a au fond de moi et comprendre le monde.

Lire aussi : Les nouveaux visages du théâtre burundais : Divin Spencer, jeune talent prometteur

« Mon premier jour au sein de la troupe n’était pas facile. Mon français n’était pas aussi bon qu’il l’est aujourd’hui. Ce qui m’a beaucoup aidé est le fait qu’avant je faisais des sketchs, donc je n’étais pas vraiment timide. J’ai essayé de m’intégrer et depuis, « Les Enfoirés de Sanolandante », c’est comme une famille pour moi »

Akeza.net : Parles-nous de ta rencontre avec le théâtre…

Alain Kay : A l’école, j’aimais blaguer et une amie qui s’appelle Edith Modeste membre de la troupe « Les Enfoirés de Sanoladante », m’avait invité une fois pour assister aux répétitions et peut-être même intégrer la troupe. J’ai trouvé que c’était une bonne occasion parce que depuis tout petit, j’ai toujours voulu m’exprimer, imiter les gens, jouer des rôles. Je me souviens que j’aimais imiter le président rwandais.

Mon premier jour au sein de la troupe n’était pas facile. Mon français n’était pas aussi bon qu’il l’est aujourd’hui. Ce qui m’a beaucoup aidé est le fait qu’avant je faisais des sketchs, donc je n’étais pas vraiment timide. J’ai essayé de m’intégrer et depuis, « Les Enfoirés de Sanolandante », c’est comme une famille pour moi.

 

Akeza.net : Qu’est ce qui t’a attiré dans le théâtre ?

Alain Kay : Déjà, j’aime une chose dans la vie, c’est aider et je déteste l’injustice. Le théâtre m’a permis de m’ouvrir. De dire « oui » à ce qui va et dire « non » à ce qui ne va pas. Quand je suis sur scène, c’est un moment unique. C’est un moment qui permet également de comprendre les autres parce que l’on ne se contente pas seulement de jouer. Il y a l’émotion, on vit le personnage, on est le personnage. On n’essaye pas juste d’imiter mais d’être soi-même. On devient une autre personne. Lorsque je monte sur scène je ne suis plus Alain Kay mais je deviens celui que j’incarne et cela me permet de vraiment comprendre les autres personnes, leurs ressentis, comment ils sont, comment ils réagissent et pourquoi ils font les choses.

 

Akeza.net : As-tu rencontré des problèmes avec ta famille quand tu as rejoint la scène ?

Alain Kay : Dans mon cas, j’ai toujours eu le soutien de ma mère mais le plus grand problème c’est les autres, la société. Vous savez, nous sommes chrétiens et à certain moment cela pousse à beaucoup de réflexions. J’en suis des fois à me demander si je réussirais à avancer. Je me souviens qu’avec l’affiche de la pièce « Musika » dans laquelle je joue un esclave, nous devions être torse nu et cela a posé un problème à l’église, les gens me disaient que j’étais nu.

La société a du mal à faire la différence entre la vie personnelle d’un artiste et la vie professionnelle. Cela nous fait des fois douter mais cela ne me pose aucun problème parce que je sais que je vais avancer, peu importe ce que pensent les autres. Vous savez un artiste doit savoir différencier sa vie professionnelle de sa vie personnelle, ce qui reste encore difficile pour les gens mais cela va changer.

Lire aussi : Les nouveaux visages du théâtre burundais : Arnold Ololenyanya, passionné de la scène

 

Akeza.net : Et du festival « Buja Sans Tabou », on en parle ?

Alain Kay : Je n’étais pas là lors des premières éditions. Mais la 3ème édition, c’était fou. Personnellement, c’était un moment inoubliable, d’expériences et de découvertes. C’était la première fois qu’on se réunissait entre acteurs et partager, non seulement le théâtre, mais on s’amusait, on dansait, c’était en famille. Il y avait des formateurs, et pour cela je remercie l’IFB et Freddy SABIMBONA (le directeur artistique du festival) qui a vraiment fait le possible pour que le festival soit. C’était vraiment un moment de partage, d’ouverture. A un moment on se rend compte que si l’on n’est pas ensemble, on ne se connait pas. Et lorsque nous sommes allés jouer dans les différents endroits comme dans les bars, c’était vraiment une découverte. Nous avons toujours pensé que sans les douches de l’IFB, nous ne pouvions pas jouer mais j’étais étonné de voir le magnifique travail de scénographie qui permet de vraiment vivre la scène. Je ne saurai comment le décrire mais c’était comme jouer pour la première fois cette pièce que j’avais déjà joué 2 fois.

Lire aussi : Les nouveaux visages du théâtre burundais : Linca Lica MUGISHA, « Dans le théâtre je retrouve la vraie moi »

Akeza.net : Quels est ton plus grand rêve ?

Alain Kay : Je voudrai réussir mes études et vivre de mon art. Vous savez pour moi les études ne sont qu’un statut social. On a un diplôme, on devient docteur, etc. Ce sont des statuts. Ce que je voudrai moi c’est surtout vivre de ma passion.

 

Propos recueillis  par Moïse MAZYAMBO