L’énergie au Burundi : Un déficit en infrastructures malgré les conditions naturelles favorables et une forte demande sur le marché ©Akeza.net
Sans construction de nouvelles infrastructures fournissant l’électricité depuis plus de 30 ans, le Burundi fait face à une crise énergétique. En dépit de cette réalité, le pays est gâté par la nature si on considère le potentiel hydroélectrique et les conditions favorables au développement des énergies renouvelables. Face à cette situation, quelques interrogations sont soulevées : Quel est ce potentiel électrique dont on parle si souvent ? Quelle est la quantité d’énergie disponible sur le marché à l’heure actuelle ? Comment évolue la consommation de l’électricité ? Quels sont les grands projets sur le court et le moyen terme pour pallier à ce problème de déficit énergétique ?
De par son climat équatorial et son relief montagneux, le Burundi a un potentiel hydroélectrique énorme. La Régie de Production et de distribution d’Eau et d’Electricité (REGIDESO) assure la production et l’exploitation de l’électricité à plus de 97% soit 30,8MW hydrauliques et 5.5MW thermiques. Les 3% restants sont produits par l’Office du thé du Burundi ( OTB) et l’ABER (l’Agence Burundaise d’Electrification Rurale). En 1983, le gisement hydroélectrique du Burundi a été estimé à 1700 MW dont près de 300 MW économiquement exploitable. Cependant, de récentes études ont montré que ce potentiel est sous estimé. Aujourd’hui moins de 30 sites sont exploités alors que 159 sont potentiellement viables.
Les centrales hydroélectriques restent les principaux pourvoyeurs d’énergie
La production d’énergie électrique est assurée par 24 microcentrales (dont 9 de la REGIDESO, 5 de l’ABER, et 10 des producteurs privés) totalisant une puissance installée de 32 MW, dont plus de 85% proviennent de la centrale hydroélectrique (CHE) de Rwegura (18 MW) dans le Nord-Ouest et celle de Mugere (8 MW) à l’Ouest du pays.
Tableau sur la capacité des centrales hydroélectriques
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Puissance installée (MW) | Puissance disponible (MW) | |||
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18 | 4 | |||
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8
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7 | |||
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2,8
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1,780
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1,5 | 0,9 | |||
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1
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0,9
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0,8 | 0,540 | |||
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0,28 | 0
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0,47 | 0,47 | |||
TOTAL | 32.38 MW | 15,59 MW |
Source : Rapport Annuel 2015, REGIDESO
Ce tableau montre que seulement moins de la moitié ( 15,59 sur 32,38 MW) de l’électricité déjà installée est disponible sur le marché. Suite à un déficit énergétique criant, la REGIDESO doit louer des groupes électrogènes très puissants pour appuyer ces centrales hydroélectriques. En 2010 et 2011, elle procède à location d’un groupe qui donne 10 MW et en 2017 d’autres groupes électrogènes qui procurent 20 MW sont activés, atténuant ainsi le manque d’électricité surtout dans la capitale Bujumbura. Le Burundi à travers la REGIDESO a un contrat avec la Société Nationale d’électricité (SNEL) de la République Démocratique du Congo (RDC) qui vend 3MW à la REGIDESO. Dans le cadre de la Communauté Economique des Pays des Grands-Lacs (CEPGL), le Burundi est copropriétaire, avec le Rwanda et la RDC, de la Centrale Hydroélectrique (CHE) de Ruzizi II, d’une capacité de 39,9 MW et dont chaque pays membre possède un tiers (soit 13,3 MW par pays).
Une grande partie d’électricité est produite localement
La CHE de Ruzizi II est gérée et exploitée par une société commune, la Société Internationale d’Electricité des Grands-Lacs (SINELAC), créée en 1989. Alors que 65,6% de l’énergie utilisé au Burundi est une production nationale, 34,3% sont importés à partir de la RDC avec Ruzizi 1 et 2. C’est ainsi que 65,6% de l’énergie proviennent de la production nationale, alors que 34,3% sont importés. Les importations proviennent de deux centrales : Ruzizi 1 et Ruzizi 2.
Répartition de la production électrique
Source : Coopération Technique Belge (2012) – Etude bibliographique et analyse pré-diagnostic du potentiel hydroélectrique du Burundi
Toutefois, pour encourager les investissements dans ce secteur d’énergie, le gouvernement du Burundi a mis en place une législation favorable avec la loi n°1/014 du 20 août 2000 portant Libéralisation et Réglementation du Secteur de l’Eau potable et de l’Electricité. La grande avancée c’est que la REGIDESO ne dispose plus d’un monopole de production électrique.
Une demande en forte croissance
Le taux d’électrification au Burundi est de près de 10%. D’ici 2020, le gouvernement projette d’atteindre au moins 20%. De près de 70.000 en 2012, la REGIDESO prévoit de servir plus de 150.000 abonnés à l’horizon 2020. Par rapport à la moyenne africaine de 150 kWh/an sur consommation de l’électricité au sein des ménages, le Burundi est largement derrière avec une consommation de seulement 23 kWh/an/ménage. Dans le même ordre, les industries et les activités commerciales au Burundi consomment plus de 70 GWh, 84 GWh pour les ménages et 46 GWh pour les autres consommateurs.
Répartition des consommateurs de la REGIDESO en 2011
Source : Ministère de l’Energie et des Mines – Coopération Technique Belge (2012) – Etude bibliographique et analyse pré-diagnostic du potentiel hydroélectrique du Burundi
A l’heure actuelle, la production nationale d’électricité est déficitaire par rapport aux besoins exprimés par la population burundaise dans son ensemble. Le manque d’investissements dans ce secteur explique ce phénomène. En effet, depuis 1986, aucune infrastructure fournissant de l’électricité n’a été construite au Burundi. Une partie des industries comme la BRARUDI ou l’OTB tentent de pallier ce problème en produisant une partie de l’électricité qu’elles utilisent. La puissance minimale nécessaire à l’horizon 2020 semble donc être de l’ordre de 250 MW, hors besoin des mines de Nickel, avec un besoin en pointe de l’ordre de 280 MW.
Des projets porteurs pour résoudre le problème d’électricité
A part les dizaines de sites non encore valorisés à l’intérieur du pays, les opportunités les plus porteuses sont à chercher dans un premier temps sur le développement de Ruzizi III (potentiel de 147 MW) et Ruzizi IV (capacité de 287 MW). Aussi, le Burundi fait partie de l’ Eastern Africa Power Pool (EAPP) qui prévoit d’interconnecter une partie de l’Afrique Sub-saharienne , de la Tanzanie jusqu’à l’Egypte. Il s’agira d’un marché commun de l’électricité en harmonisant les coûts et en mettant ensemble les moyens de production. La plupart des pays de l’EAC étant déjà interconnectés, il reste à construire les lignes Burundi-Rwanda (ligne HT 220 KV Kigoma-Butare-Ngozi-Gitega sur financement UE FED 10) et Burundi-Tanzanie. De ces projets, dépendra la croissance économique du Burundi d’autant plus que l’énergie est la pierre angulaire du développement.
Elvis NDAYIKEZA