Le beau parcours d’Etienne NDAYIRAGIJE, le coach burundais à la tête de l’équipe nationale de la Tanzanie

Le beau parcours d’Etienne NDAYIRAGIJE, le coach burundais à la tête de l’équipe nationale de la Tanzanie

Le nom d’Etienne NDAYIRAGIJE est sûrement bien connu chez nos voisins de l’est. De joueur à entraineur (licence A), Etienne en a fait du chemin. Il est le premier burundais à être aux manettes des sélections nationales tanzaniennes, Taifa stars (Senior, U23, U20, et U17). Lorsqu’on jette un coup d’œil à son palmarès après une année (depuis juillet 2019) à manager les Taifa stars, on est conquis. Il vient notamment de qualifier la Tanzanie au CHAN 2020(décalé en 2021) 10 ans après et à la deuxième phase des poules de la Coupe du Monde 2022. Des belles prouesses qui font de lui un coach chouchouté et convoité en Tanzanie. Qui est donc ce coach burundais qui réussit hors de nos frontières ? Petit tour d’horizon dans sa riche carrière où il nous raconte sa vie de joueur et son métier d’entraineur.

 

Qui aurait pu imaginer qu’un enfant de Rohero allait consacrer sa vie au foot ?

Avant tout, Une vie de joueur

 

Alors qu’on a l’habitude de voir de jeunes des quartiers dits « populaires » à l’instar de  Buyenzi, Bwiza, Nyakabiga, etc s’adonner le plus au foot, Etienne est une exception. Qui aurait pu imaginer qu’un enfant de Rohero allait consacrer sa vie au foot ?

 

Né le 3 décembre en 1978 dans la zone Rohero 2 de la province Bujumbura mairie, Etienne fait ses débuts au foot à bas âge tantôt en jouant au foot du quartier tantôt en représentant son école, le lycée municipal de Rohero, lors des interscolaires. L’adrénaline prenant, ce passionné du ballon rond va intégrer les divisions quand il arrive au cycle supérieur de ses études. Il fera sa première expérience au sein du club Volontaires (en 2ème division). Son évolution était si rapide qu’il réussit à taper dans l’œil du club très réputé à cette époque, Inter Star (première division).

 

 

Pour sa première saison, il est admis dans l’équipe de réserve, B. A cette époque, il a entre 16 et 17 ans. Il aura fallu attendre la deuxième saison pour être promu dans la cour des grands. Brassard de capitaine au bras, il le servira pour une période de 2 ans. Quand on cherche à savoir si jongler entre l’école et le foot ne lui a pas causé des ennuis, Etienne explique : « Je réussissais bien à l’école. C’est pourquoi mes parents ne pouvaient pas m’empêcher de jouer. Comme le fief d’inter star est à Buyenzi, je passais la plupart de mon temps là-bas. Puis, j’aimais la bouffe de Buyenzi [Rires]».

 

Intéressé par les services du jeune avant-centre(9) , élu meilleur joueur de la saison, le club Chanic (qui venait de remporter un tournoi régional organisé par le réseau TELECEL ) va négocier avec les dirigeants d’Inter star pour un transfert de 1 200 000FBu. « C’était le plus gros transfert à cette époque. Jusque-là, c’était Jimmy qui détenait le record quand il avait été acheté par Prince Louis pour un montant de 600 000FBu ».  Ce jeune d’à peine 18 ans, qu’a-t-il fait de tout cet argent surtout que c’était consistant à l’époque ? Il confie avec fierté : « Eh bien, je me suis acheté une bagnole [Rires].J’ai rajouté un peu d’argent qu’Inter star me devait. C’est le président Ally GATEREKWA d’Inter star qui m’a aidé. J’ai par la suite, mis cette voiture dans le transport. C’était un investissement pour ne pas gaspiller cet argent ».

« J’ai eu un problème avec les sélectionneurs du Burundi à cette époque… »

L’aventure se poursuit au Rwanda

 

Guetté par les clubs rwandais, Etienne met le cap sur l’autre rive de la Kanyaru. Il sert le club Mukura Victory pour 2 saisons avant qu’il ne revienne au bercail au sein d’Inter star pour 2 saisons. Il va retourner au Rwanda où il sert cette fois-ci, Rayon Sports pendant une saison. Il signera par après son passage en Tanzanie, au Malawi ainsi qu’en Afrique du sud. Son retour au Rwanda prend une autre tournure. Bénéficiant de la nationalité rwandaise, il intègre l’équipe nationale du Rwanda. Quand on lui demande pourquoi avoir choisi de jouer pour le voisin du nord plutôt que pour sa patrie, Etienne parle d’un mécontentement.

« J’ai eu un problème avec les sélectionneurs du Burundi à cette époque. J’étais convoqué pour ma première fois dans la sélection des U20. Celle-ci était conviée pour jouer en Ethiopie. On a fait 2 semaines d’entraînements de préparation intensive et après nous avons disputé un match amical avec les Seniors, durant lequel j’ai été élu meilleur joueur. J’étais aussi capitaine des U20. Ce qui m’a étonné, on m’a rayé de la liste à la veille du voyage de l’équipe. J’étais très choqué d’avoir loupé cette opportunité. Depuis lors, j’ai eu une dent contre la sélection burundaise. Il y avait trop de favoritisme. C’est ce qui m’a poussé à jouer pour le Rwanda. Dans ce pays, j’ai servi les sélections, senior, U23 et U20 », explique-t-il.

 

Suite à un problème de déchirure, il décide de prendre sa retraite pour affronter un autre monde : le coaching.

« …La Fédération tanzanienne estimait que j’avais le profil du coach recherché… »

Ses débuts en coaching

 

Avant d’entrer dans le bain du coaching, Etienne va faire un peu de business dans la quincaillerie. Comme il était tellement passionné de foot, il ne va pas se déconnecter totalement de ce monde. En synergie avec ses amis, ils fondent une équipe dénommée Tanganyika, qui va évoluer en 3ème division. Comme il suivait des cours de licence sur le coaching, on le charge d’entrainer ce club. Il va évoluer avec le club jusqu’à le faire monter dans les divisions supérieures (à ce moment, il avait déjà terminé les cours) . Ayant remarqué son évolution, son ancien club Inter star fait appel à ses services pour 2 saisons. Avec lui, il remporte la Coupe du Président, qui offre la qualification à la coupe de la Confédération africaine.

Dans sa nouvelle peau de coach, il signe son passage au Rwanda (Espoir FC, l’équipe nationale U20) puis au Burundi (Prince Louis, LLB ) puis aux iles Comores. « Dès mon retour au Burundi, j’ai obtenu une offre chez Vital’O FC pour 2 ans avec lequel j’ai remporté toutes les coupes. Ce qui m’a permis de qualifier le club à la Champions League de la CAF en 2016 ».

 

Du Burundi en Tanzanie, une carrière qui prend son envol

 

Après l’expérience du Burundi et du Rwanda, Etienne part imprimer ses marques en Tanzanie. Pour commencer, il manage pour 2 ans le club Mbaho City de Mwanza qui venait d’être promu en première division. Il conduit ce club jusqu’en finale de la Coupe du Président. Il obtient par la suite l’offre de KMC (dans lequel évolue le portier des Intamba, Jonathan NAHIMANA) où il est élu meilleur entraîneur du mois en février 2019.

Plus tard, le club Azam FC, assez établi, va aussi s’offrir les services du coach burundais. « J’ai fait 6 mois à Azam avant que la Fédération tanzanienne ne vienne discuter avec les dirigeants d’Azam. Elle me proposait d’entrainer l’équipe nationale puisque cette fédération estimait que j’avais le profil du coach recherché ».

En équipe nationale depuis l’année dernière, Etienne a à sa charge 4 sélections (Senior, U23, U20 et U17). Beaucoup de chats à fouetter ? Pour lui, toute est question de programmation.

Pour ceux qui disent qu’il fait mieux que lorsqu’il était au Burundi, Etienne ne donne pas raison. « Je ne comprends pas pourquoi les gens parlent de ça,alors que j’ai pu remporter des coupes avec Vital’O, Inter star, LLB. C’est juste qu’au Burundi, ils ont un problème de critique quand on te voit progresser. C’est ce qui différence le coaching du Burundi et celui de la Tanzanie. Là-bas quand tu sais faire des choses, on te valorise pour ça », confie ce coach qui dit choisir son système de jeu suivant l’enjeu du match.

 

Interrogé pour savoir s’il compte revenir entraîner au Burundi, voici ce qu’il répond : « Pourquoi pas. C’est du boulot. Si et seulement on me donne la même valeur et la même considération que tous les autres, je reviendrai ! »

C’est fort possible qu’il prolonge son contrat puisqu’on lui a déjà soumis une proposition de 3 ans (jusque-là, il n’avait qu’un contrat d’une année)

« Je dirais qu’à 90%, je dois ma vie au foot… »

 

Marié et père de 3 enfants, Etienne affirme que le foot a eu un impact considérable dans sa vie. « Je dirais qu’à 90%, ma vie je le dois au foot. Mes enfants peuvent aller à de bonnes écoles. Le foot m’a également permis de rencontrer plusieurs personnes avec lesquels on peut entreprendre différents projets », indique fièrement ce sélectionneur des Taifa stars d’un air plutôt calme.

 

Alors qu’il vient de qualifier la Tanzanie au CHAN 2020 et à la phase des poules de la Coupe du Monde 2022 (en éliminant son pays, le Burundi, aux tirs au but), ce grand admirateur de Blaise KARORERO (ancien emblématique no.10 burundais) confie que c’est fort possible qu’il prolonge son contrat puisqu’on lui a déjà soumis une proposition de 3 ans (jusque-là, il n’avait qu’un contrat d’une année). Son rêve est d’aller le plus loin possible. Si Dieu lui accorde la vie, dit-il, il aimerait coacher jusqu’à son dernier soupir.

 Fleurette HABONIMANA