La première fois que je suis venue à Bujumbura, Godeliève se raconte (2ème partie et fin)

La première fois que je suis venue à Bujumbura, Godeliève se raconte (2ème partie et fin)

Les fêtes de fin d’année à Bujumbura ©DR

Les voyages c’est toujours excitant ; pour certains en tout cas, découvrir un nouvel endroit, croiser de nouvelles  gens et vivre de nouvelles expériences est au départ ce que l’on a en tête quand on s’en va pour une destination nouvelle. Mais alors la réalité s’avère parfois choquante, époustouflante voire  embarrassante. Godeliève Ntakarutimana nous  partage ses souvenirs dil y a plus de 25 ans.

Avant de repartir à Rutana, mon père m’avait acheté de belles sandales en plastiques, les plus classes en ces temps. Déjà que porter des chaussures étaient un grand privilège, imaginez-vous alors porter des sandales en plastiques.

Arrivée à la maison, le premier constat de mes frères et sœurs étaient bien entendu les chaussures. Ils étaient ravis d’avoir une sœur qui a des chaussures. Oh  pauvres gens ! Je ne les portais que quand j’allais à la messe les dimanches. Mais je les enlevai sur le chemin pour qu’elles ne se salissent pas. Arrivée à l’église, je me lavais les pieds et les mettais. Sur le chemin de retour, je les portais dans les mains jusqu’à la maison.

 

Quand je suis revenue à Bujumbura, c’était en Décembre 1979. Qu’est-ce que les gens de Bujumbura aiment crier et faire la fête!! Je savais qu’ils aimaient crier mais pas pour souhaiter une bonne année à ceux qui sont à l’autre bout du pays : en criant!!

Cette fois, je venais rendre visite à mon oncle qui habitait à OCAF (Quartier Ngagara actuellement). Tout était comme à Bwiza excepté que eux, ils avaient une baignoire toute blanche comme un nuage. C’était la première fois que je voyais ce genre de « chose ».

A la campagne, il y a ces petites barques qu’on utilise pour fabriquer de la bière à base de bananes (Ubwato bwo kugana) dans la cour. Pour ceux qui ne connaissent pas ces petites barques, en gros ça ressemble à des baignoires sauf qu’elles sont en bois et ne sont pas blanches. Du coup je me disais qu’à Bujumbura aussi ils fabriquaient des bières de bananes mais à l’intérieur (comme leur toilettes d’ailleurs). Ce qu’ils aiment être à l’intérieur, me disais-je!

A première vue je me demandais pourquoi je me laverais dans une barque blanche, ça n’avait aucun sens. Alors, je suis allée à l’extérieur, j’ai pris un bassinet et me suis lavée.

A midi, dessert du jour : une papaye. Sans gêne, je demande pourquoi on nous a servi une courge sans la cuire. Est-ce parce qu’il n’y a plus de bois de chauffage, je peux aller en chercher ! Là mon oncle éclate de rire et me dis que « la courge » à laquelle je fais allusion est une papaye, qu’on la mange comme ça, sans la faire cuire.

Le soir, on va dans un restaurant (pas un hôtel cette fois). Mon oncle et ma tante commandent et quand la serveuse me regarde et me demande de passer ma commande, pour ne pas passer pour une fille de la campagne, je dis fièrement « la même chose qu’eux ». La serveuse me sourit et s’en va.

Après quelques minutes, la serveuse revient avec nos commandes. Une soupe! j’avais commandé une soupe! Et jusque-là je ne savais même pas que ça s’appelait une soupe. Au fond de moi, je me lamentais et me disais que j’aurais dû commander de la viande, en tout cas quelque chose qui m’aurait rassasié. Ce n’est qu’après que j’ai remarqué que cette soupe était une entrée et que la “vraie nourriture” venait juste après.

J’avoue que ressasser du passé m’a fait éclater de rire et m’a rappelé les excellentes découvertes que j’ai faites. J’en ris avec mes enfants, qui eux ne connaitront jamais ce genre de choses mais feront face à d’autres découvertes. J’ai même appris le swahili pour ne pas me perdre dans les quartiers comme Bwiza et Buyenzi. Maintenant, je vis à Bujumbura et personne ne connait la ville mieux que moi.

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