Au sommet d’une carrière de 8 ans dans le slam, la burundaise Jeanne IRAKOZE dit « Jaira la slameuse » est l’une des voix féminines incontestables dans la sphère slam au Burundi. Membre du Club Super Slam de Kamenge depuis 2016, cette slameuse doit sa popularité à un choix difficile mais crucial. Avec son talent et son accès aux réseaux sociaux, le temps n’est plus aux banalités. Ses textes évoquent des sujets que la jeunesse ne trouve pas dans le dialogue familial, revendiquant les droits bafoués et tirant la sonnette d’alarme sur les VBG.
« La jeunesse d’aujourd’hui est malheureusement active. Elle a un accès vaste sur différentes sources d’information grâce à la technologie mais ces informations, sont-elles vraiment correctes ? », s’interroge Jaira la slameuse, cette voix qui n’hésite pas à prendre position face aux problèmes qui hantent les jeune et les adolescents.
L’aube de sa carrière
Native de la commune Rutegama, en province Muramvya, sa carrière a vu le jour, il y’a 8 ans au Centre Jeune Kamenge de Bujumbura. Aujourd’hui âgée de 26 ans et Responsable d’Animation au sein du Club Super slam de Kamenge, la slameuse remonte le temps et déterre les vieux souvenirs sur la découverte de son art oratoire coup de cœur.
« Un jour du mois de septembre 2016, j’étais à l’écoute de l’émission Radio Vacance qui passe sur 2ème chaine de la Radio Nationale et la RTNB. On avait invité le groupe Super Slam de Kamenge. Je ne savais pas que le slam existait. J’ai eu un déclic et je me suis mise à la recherche de ces slameurs pour intégrer le Club », raconte Jaira la slameuse.
Jaira la lameuse (en bas à gauche) avec les membre du Club Super Slam de Kamenge©DR
Devenue officiellement membre du Club Super Slam, son adhésion sera interprétée comme une occasion, pour elle, de faire les choses autrement et réduire la vacuité thématique qu’elle trouvait présente dans les chansons.
« J’aimais beaucoup écrire depuis mon jeune âge. Je m’inspirais beaucoup des chanteurs. Une fois grandi, J’ai commencé à me dire qu’il y’a certains sujets et messages non touchés dans les chansons. Alors, je me suis dit que je pourrais contribuer par le slam », explique-t-elle.
Le fond de ses œuvres
Depuis ses débuts à nos jours, Jaira la slameuse aborde, avec éloquence et hardiesse, différents sujets préoccupants et va jusqu’à braver le tabou selon certains commentaires des personnes qui l’entourent. Dans ses textes, elle aborde la santé reproductive des adolescents et des jeunes dans un langage propre à ces derniers. Pour que ces derniers s’y retrouvent et captent le message. Elle parle de violences basées sur le genre, de l’éducation et, quelques fois, du changement climatique.
Aujourd’hui, elle a des centaines de textes à son actif mais très peu parmi eux sont publics. Quelques-uns de ses récents projets sont disponibles en ligne, sur ses comptes Facebook et You tube. Il s’agit notamment de « Ikizoba nzonwa umuti », « Agateka », « Ese iyo menya », « kirazira », « Biraturaba » pour ne citer que ceux-ci.
Jaira la slameuse fait perçoit le slam comme un art libre. Actuellement, beaucoup de ses textes sont écrits dans sa langue maternelle, le Kirundi. Mais rien ne l’empêche d’écrire dans d’autres langues car tout dépend de l’audience à laquelle on s’adresse.
« Actuellement j’écris beaucoup en Kirundi. Mais j’ai beaucoup d’œuvres que j’ai produits en français. Le slam est une bouche qui donne et des oreilles qui prennent. On doit s’assurer qu’on est capté par les destinataires du message pour avoir l’impact voulu », insiste-t-elle.
Au sujet du rapport entre les réseaux sociaux et son art, la slameuse concilie ces deux mondes. « Quand on est artiste, on est obligé d’exploiter les réseaux sociaux. Aujourd’hui je m’en sers pour sensibiliser la population via mes vidéos et mes textes », dit-elle.
Concernant les opportunités, la slameuse n’en revient pas quand les souvenirs de son voyage aux USA lui repassent en mémoire. « J’ai eu l’opportunité de slamer et plaider en faveur des femmes à la veille de la clôture de la 67ème session de la commission sur le statut de la femme ténue du 6 au 17 mars 2023 à New York. Les autorités du pays ont certainement eu connaissance de mon engagement artistique au sujet des valeurs et des droits des femmes. Ainsi, j’ai été invité à partir avec la délégation du Gouvernement et le moment reste inoubliable »
Ce qui ne tue pas rend plus fort.
Sur sa route, les difficultés ne se sont jamais couchées. Jaira la slameuse se remémore de tout mais préfère positiver. Elle garde un souvenir amer des commentaires démoralisants, des commandes des textes suivis des annulations de présentation slam à la dernière minute. Elle s’insurge contre les gens qui négligent la profession d’artiste slameur.
Reconnaissante envers les gens qui lui ont permis d’évoluer, la slameuse avoue manquer des mots adéquats pour remercier les médias et les institutions nationales et internationales qui lui ont fait confiance et prêter main forte. Elle éprouve un respect immense aussi envers ses parents. Eux qui l’ont vu plusieurs fois rentrer très tard en uniforme à la maison, après des journées passées à l’école et des après-midi d’activités intenses au sein de son club Super Slam à Kamenge.
Africa BINTUNUMUKAMA