Interview « Vie et Carrière » de Elvis HAKIZIMANA dit « Gafyisi » : le Capitaine emblématique du club Urunani raconte ses 19 ans au basketball

Interview « Vie et Carrière » de Elvis HAKIZIMANA dit « Gafyisi » : le Capitaine emblématique du club Urunani raconte ses 19 ans au basketball

Elvis HAKIZIMANA, plus connu sous le sobriquet de « Gafyisi » (Hyène) est l’un des joueurs qui ont su imprimer leur marque dans l’univers du ballon orange au Burundi. Capitaine emblématique du club le plus titré et réputé du pays, Urunani BBC, Gafyisi a connu une carrière florissante au niveau local. Au cours de ses 19 ans au service de l’art du dribble, cet ailier a raflé de nombreuses distinctions, que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif : 2 fois MVP, 2 fois Meilleur marqueur et Meilleur ailier ainsi que 9 fois Champion national, 9 fois Champion de l’ACBAB ,7 fois Champion des Playoffs, 3 fois Champion de la zone 5, etc. Des belles distinctions qui lui ont donné du crédit dans le « game ».

Avec une qualité en tir et en lecture du match, ce passionné du ballon orange vient de passer 7 ans, brassard au bras, au sein d’Urunani. Dans cette entrevue, ce trentenaire natif de Jabe nous retrace son beau parcours : 17 ans dans les rangs des bleus et blancs de Urunani et 19 ans de carrière au basketball. Immersion…

 

Akeza.net : Qui est Elvis HAKIZIMANA?

Elvis HAKIZIMANA : Je suis très connu sous le surnom « Gafyisi » (Hyène). Je suis né le 10 août en 1985 à Jabe dans la zone de BWIZA dans une famille de 6 enfants dont je suis l’aîné. J’ai fait mes études primaires à Jabe II. A l’école secondaire, j’ai fait le cycle inférieur au collège de Nyakabiga avant de compléter mon cursus au lycée Notre Dame de Rohero. A l’université, j’ai fait la Faculté des Sciences Sociales, Politique et Administratives à l’Université du Lac Tanganyika. Aujourd’hui, je travaille à WISE Microfinance à Bujumbura.

Akeza.net : Ton amour pour le basket, quand commence-t-il ?

Elvis HAKIZIMANA : Il faut dire que j’ai avant tout fait mes débuts au foot. Je jouais avec d’autres enfants de mon âge avec un petit ballon confectionné à base de sachets. Comme on jouait sur un terrain de basket, lorsqu’on était fatigué, on avait tendance à lancer la balle dans le panier. J’avais à cette époque entre 9 et 10 ans, pendant la crise de 1994. On voyait les « grands frères » du quartier s’adonner au basket. C’est à partir de là que je suis tombé amoureux du basket. Par après, Astère MUJEJE (père des arbitres Fabrice, Franck et Gaël) a formé une équipe des jeunes du quartier. En 1998, Il y a eu un encadrement des jeunes en vacances avec Jean Paul BUKEBUKE comme encadreur. C’est là que j’ai appris les fondamentaux du basket.

Akeza.net : Comment as-tu connu Urunani ? Raconte-nous tes débuts….

Elvis HAKIZIMANA : L’aventure commence un certain après-midi. Je me rappelle très bien que c’était aux environs de 17h. Un ami à moi est venu me voir pour me dire qu’un coach recrutait de jeunes joueurs désirant intégrer l’équipe B d’Urunani. C’était le coach Aaron KAGABO. J’ai couru de toutes mes forces au terrain de basket pour me fait inscrire. Cet agent était encore là et il m’a mis sur la liste. On était autour entre 30 et 40 présélectionnés. Au fil des entraînements, la sélection a continué et j’ai eu la chance de faire partie de la sélection finale. Le club estimait que j’avais du potentiel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Akeza.net : Pourquoi avoir choisi d’intégrer le club Urunani ? Comment es-tu devenu capitaine d’Urunani ?

Elvis HAKIZIMANA : Intégrer Urunani ? C’était un rêve de tout jeune garçon de Jabe. Les entraînements de l’équipe se déroulaient tous les jours dans le quartier. On habitait tout près du terrain, à 50m disons. Depuis tout petit, j’assistais à leurs matches et j’étais un grand fan d’URUNANI. A cette époque, il y avait de grands cadors comme Kababa, Amidou, Jean Paul, Kennedy, Djunga, Abdoul, Ometoko, Léonce, Garnett, Fanny, Willy, Blaise etc. Leur jeu nous faisait tellement rêver. Dès mon entrée au sein de ce club, j’ai tout de suite compris qu’URUNANI était une famille et que je devais en faire partie. 2 ans après, je suis montée dans l’équipe A. Pour ce qui est du capitanat, je suis devenu capitaine de l’équipe quand H Alexis AKIZIMANA, un coéquipier modèle, a pris sa retraite. C’était en 2014.

 

Akeza.net : Tu portes un surnom, « Gafyisi ». D’où vient-il ?

Elvis HAKIZIMANA : J’ai grandi avec ce nom. Au fait, c’est une voisine rwandaise qui me l’a donné parce que tout petit j’avais tendance à blesser ses enfants quand j’étais fâché contre eux. Je les griffais avec mes ongles [Rires]. Cette dame venait donc se plaindre à la maison comme quoi « akana kanyu ni agafyisi rwose, kantaburiye abana n’inzara» (votre enfant est une vraie hyène, regardez comment il a griffé mes enfants, ndlr). J’ai grandi avec cette étiquette, on me disait « wa Gafyisi we » . Gamin, je ne savais même pas ce que cela voulait dire vraiment. Quand j’ai compris plus tard, je me suis dit que ce surnom me plaisait bien. Il me convenait parfaitement. J’ai décidé de le garder.

 

Akeza.net : Quelles sont les grandes distinctions qui jalonnent tes 19 ans de carrière au basket ?

Elvis HAKIZIMANA : Avant tout, il faut dire que je me suis beaucoup épanoui au sein de ce club. J’ai tout fait, j’ai tout connu comme joueur, j’ai gagné et j’ai aussi perdu. Avec mon équipe URUNANI, sur le plan individuel : j’ai été MVP et meilleur marqueur avec ma deuxième année en division. En Division A, j’ai été MVP 2 fois, Meilleur ailier 2 fois, meilleur marqueur une fois dans le championnat de l’ACBAB. Au niveau national, J’ai été élu 2 fois MVP du championnat national, 2 fois meilleur marqueur. Pour la zone 5, j’ai été meilleur marqueur de la zone 5 à Mombassa.

Sur le plan collectif que je trouve important, j’ai connu énormément de succès. Au niveau de l’ACBAB, mon club a été sacré 9 fois champion de l’ACBAB, 9 fois Champion National, 7 fois champion des play-offs ainsi que beaucoup d’autres petits tournois dont je ne me rappelle plus le nombre [Rires]. Au niveau des compétitions internationales, j’ai été champion des Grands en 2005, 3 fois champion du Tournoi Gisembe Memorial au Rwanda, 3 fois champion de la zone5 : en Tanzanie, au Burundi et au Kenya. On a perdu la finale en Uganda en 2012. J’ai aussi participé avec mon équipe au championnat d’Afrique des Clubs Champions au Maroc et en Tunisie. Avec l’équipe Nationale du Burundi on a aussi gagné la coupe du bassin du Nil contre l’Ethiopie mais aussi j’ai gagné le championnat de l’EAC Military Games avec le club MUZINGA.

 

Akeza.net : Sur terrain, tu es plutôt apprécié pour ton sens du « Sportsmanship » (esprit sportif) quand d’autres choisissent une rivalité animale. Qu’est-ce qui te pousse à faire ça ?

Elvis HAKIZIMANA : [Rires] La rivalité est toujours là. A vrai dire, je ne suis pas rancunier, je ne vais pas sur le terrain pour blesser ou me battre contre qui que ce soit, ça ce n’est pas moi. Quand je suis sur terrain, mon objectif est de m’amuser en jouant au basketball. Je peux te serrer la main ou te faire une blague pendant le match tout en restant concentré sur ma mission. Je peux également aider un joueur d’une autre équipe à progresser. C’est juste que je trouve plaisir en aidant les autres.

Akeza.net : Ces derniers temps, tu sembles avoir pris du poids et tes performances ont sensiblement diminué, comment expliques-tu cela ?

Elvis HAKIZIMANA : [Rires]. Non, j’ai toujours le même poids qu’il y a 5 ou 6 ans. Seulement, je ne suis plus capable de bouger sur le terrain comme avant. Tout cela est dû au fait que j’ai pris de l’âge, j’ai connu des blessures au genou. C’est normal qu’à un certain moment avec cette longévité (19 ans à jouer au basket) on ne soit plus aussi performant qu’avant. Il y a également le boulot. Je n’ai pas assez de temps pour m’entraîner en bonne et due forme. Mais je peux toujours apporter quelque chose, je peux toujours changer le cours d’un match par mon expérience et sans pour autant être flashy.

 

Akeza.net : Quelle est ta réaction quand ton équipe perd un match ? En tant que capitaine, comment fais-tu pour gérer tes coéquipiers ?

Elvis HAKIZIMANA : ça alors, ah ! Avec tout le succès qu’on a connu, perdre un match est quelque chose que moi-même je n’arrive pas à digérer. Dans le passé, je pouvais même pleurer, je n’arrivais pas à dormir car je savais que ça allait nous hanter pour toute la semaine avec les émissions sportives et tout. Crois-moi quand URUNANI perd un match c’est la catastrophe. Heureusement, que nous avons nos chers supporteurs qui sont derrière nous quoi qu’il arrive, ils nous encouragent. On les aime pour ça. En tant que capitaine, c’est dur de consoler l’équipe. J’essaie de garder la tête haute tant bien que mal et parler aux joueurs de ce qui doit être fait pour corriger les erreurs et revenir plus forts.

Akeza.net : Tu es parmi les rares talents confirmés qui n’ont pas évolué dans des équipes à l’extérieur du pays. Pourquoi ?

Elvis HAKIZIMANA : Ce ne sont pas les offres qui ont manqué. J’ai eu une offre de la part de deux équipes du Rwanda en 2010. En 2013, quand on participait à la coupe d’Afrique des clubs champions en Tunisie, une équipe algérienne s’était intéressé à moi et Willy. Ils voulaient qu’on aille jouer pour elle. Il y a également deux équipes universitaires ougandaises ainsi qu’une équipe du Kenya qui nous ont repérés lors de la zone 5 de Mombassa. Le souci est qu’à chaque fois, j’ai trouvé que ces offres n’étaient pas aussi intéressantes, surtout les offres de la sous-région. Ce n’était même pas de vrais clubs professionnels. Je voyais des joueurs qui évoluaient là-bas, il n’y avait rien de spécial à l’époque. C’est pourquoi, j’ai décidé de rester au pays pour continuer mes études et mon basket dans un environnement que je maîtrise parfaitement.

 

Akeza.net : Quels sont les défis qui ont marqué tes 19 ans de carrière ?

Elvis HAKIZIMANA : Marier les études et le basket n’est pas en soi une chose facile. J’avais le défi de réussir très bien dans les deux. L’autre défi c’est d’évoluer au milieu des grands noms du basket comme Blaise, Fanny, Willy, Garnett, Alain, Innocent, etc. Jouant au poste d’ailier aux côtés de ces gars, vous comprenez bien que je devais me défoncer pour me trouver une place. Je remercie le coach de l’époque William NIYONZIMA qui a cru en moi car il voyait du potentiel en le jeune joueur que j’étais. On a également rencontré un défi lors de notre participation à la Zone 5, les gens nous sous-estimaient beaucoup. Ils nous disaient qu’on n’allait pas tenir tête aux Kenyans, Ougandais, Rwandais, Tanzaniens compte tenu de leur grande taille. En dépit de ce manque de confiance, on a pu disputer 4 finales de la zone 5 d’affilée et on a remporté trois coupes. C’est un succès, non ? [Rires].

Akeza.net : De 19 ans de carrière, quels bons souvenirs gardes-tu ?

Elvis HAKIZIMANA : Je garde des souvenirs de toutes ces victoires et surtout les championnats de la zones 5 qu’on a remporté en Tanzanie et à Mombasa au Kenya. Je n’oublierai jamais les grands rendez-vous de matches contre New stars. L’ambiance que mettaient les fans d’URUNANI, les chants, les tambours, etc, c’était extraordinaire. En même temps, je garde un bon souvenir des centaines de coéquipiers avec qui j’ai joué, tout ça m’a vraiment marqué.

Akeza.net : Des regrets ?

Elvis HAKIZIMANA : Mon plus grand regret remonte au 02 octobre 2005 lors de la finale du tournoi des Grands Lacs contre Dynamo, je n’oublierai jamais cette date. Je commençais vraiment à prendre de l’envol au sein de l’équipe. J’étais vraiment à un bon niveau malgré mon jeune âge. Mais, hélas, une blessure au genou est survenue en 2ème mi-temps de cette rencontre et j’ai été obligé de sortir. J’étais même convoqué en équipe nationale qui devrait se rendre en Ouganda mais je n’ai pas pu, cela m’a énormément affecté physiquement et mentalement. Après cette blessure, j’ai fait une saison blanche et quand je suis revenu je ne pouvais plus être moi-même. Je ne pouvais plus appuyer sur ma jambe à volonté. J’ai essayé de tout faire pour retrouver ma forme d’avant. Mon autre regret, c’est de n’avoir pas pu remporter un titre de champion d’Afrique. Pour ce qui est du reste, je pense avoir tout gagné.

Akeza.net : Quelle est ta plus belle victoire tout au long de tes 19 ans de carrière ?

Elvis HAKIZIMANA : La finale de la zone 5, en 2011 en Tanzanie contre KOOP BANK. C’était fou, un match de ouf. Je ne sais même pas quoi dire. On en a même pleuré après le coup de sifflet final. On n’y croyait pas, c’était complètement fou.

Akeza.net : Quelle est ta plus grande qualité sur le terrain ?

Elvis HAKIZIMANA : Mon arme fatale est le tir (shoot). Je sais aussi faire une bonne lecture du jeu.

 

 

 

Akeza.net: Quel est impact le club Urunani a produit dans ta vie? Sur le plan éducatif, professionnel ?

Elvis HAKIZIMANA: C’est un club qui a produit un grand impact dans ma vie. Le club Urunani m’a formé sur le plan sportif mais aussi éducatif. Quand j’étais encore à l’école secondaire,les dirigeants du club étaient trop exigeants envers les joueurs.Ils suivaient de près les résultats de chaque joueur à l’école et s’assuraient que j’ai tout le nécessaire pour réussir notamment les frais scolaires. Je ne manquais rien. C’était la même chose à l’université et j’en suis très reconnaissant. Cérise sur le gâteau, c’est qu’après mes études, ils m’ont cherché un boulot pour me lancer dans la vie professionnelle

Akeza.net : Quelle est ta plus grande source d’inspiration dans le monde du basket ? Au niveau national et international ?

Elvis HAKIZIMANA : Ma plus grande source d’inspiration, au niveau national, c’est l’héritage que les grands de mon club URUNANI ont laissé. De génération en génération, Je ne peux pas tous les citer. Ils ont fait de cette équipe la meilleure de tous les temps. J’étais attentif à ce qu’ils faisaient et c’est clair que je voulais faire comme eux et surtout ne pas les décevoir. Au niveau international, c’est Kobe Bryant, il est la raison pour laquelle j’avais une coupe afro [Rires]. Je porte le numéro 8 et je voulais être comme Kobe. Il y en a même qui m’appelle aujourd’hui « Black Mamba » [Rires]. C’est parce qu’ils savent à quel point Kobe était une inspiration pour moi.

Akeza.net : Quelles sont tes ambitions dans les 5 années à venir ?

Elvis HAKIZIMANA : Vous savez, le basket a toujours été ma passion. Je veux voir le basketball progresser et surtout les joueurs atteindre un autre niveau et je compte bien contribuer à ça. Je vais aussi rester auprès de l’équipe, je veux voir URUNANI rester au sommet du basketball burundais et je compte rester actif pour aider, pousser nos joueurs à développer leur potentiel.

Akeza.net : As-tu un conseil à donner aux jeunes basketteurs ?

Elvis HAKIZIMANA : Les jeunes joueurs doivent être disciplinés. C’est la première chose que je leur dis toujours. La discipline dans leur carrière de basketteur et tout ce que cela implique. L’amour du jeu, le travail, la régularité aux entraînements, le repos, le respect du coach et des coéquipiers mais aussi des adversaires, qu’ils soient flexibles aux conseils et par-dessus tout, ils doivent se fixer des objectifs en tant que joueurs. Ils doivent dégager cette impression de maîtrise et de calme. Il faut faire attention à l’image que l’on renvoie. Garder les pieds sur terre. Tous les grands joueurs de ce sport sont reconnus pour ça, le travail et la discipline.

 

Akeza.net : Tu prends de l’âge (35 ans). Comptes-tu prendre ta retraite bientôt ?

Elvis HAKIZIMANA : [Rires] C’est vrai que je prends de l’âge, mais je ne me suis pas encore décidé sur le sujet de la retraite. Je veux jouer encore. Je ne vais pas jouer toute ma vie quand même. 17 ans en première division et 19 ans de carrière au basket, c’est beaucoup. A un certain moment, on doit arrêter et passer à autre chose. Je pense avoir tout fait au basket et tout donné à mon équipe URUNANI.

Akeza.net : Après le basket, que comptes-tu faire ?

Elvis HAKIZIMANA : Après le basket, il y a une vie, donc je vais me concentrer à l’ « Après- basket ». C’est à dire faire ma vie comme toute personne normale. Je vais continuer à faire mon boulot et trouver d’autres opportunités de la vie, fonder une famille, voir ce que la vie me réserve et en profiter [Rires].

Fleurette HABONIMANA