Son parcours de candidat à la Primusic 2023 avait démarré dans le calme. Après avoir interprété la chanson ‘’Fou de toi’’ en demi-finale et en finale de ladite compétition, le jeune chanteur gospel de 25 ans a vu sa réputation partir dans un tourbillon de dénigrement viral et inattendu. Ayant appris que ce n’était pas son premier essai avec la Primusic, la curiosité nous a mis à sa recherche pour lui poser quelques questions et savoir plus sur lui. Voici l’intégralité de la conversation.
Akeza.net : Votre popularité a explosé après la Primusic 2023, que vous avez remporté. Qui est réellement Francis ?
Francis : Je m’appelle Francis Destin NDEREYIMANA. Je suis originaire de la province Karusi mais, j’ai grandi à Gasura en commune Mbuye de la province Muramvya. J’ai été élevé par ma mère seule. A Gasura, j’y ai fait les prémices de ma scolarité jusqu’en 9ème année. Après, je suis allé poursuivre mes études à Mutaho et à Karusi où j’ai obtenu mon diplôme des humanités générales à l’Institut Technique Agricole du Burundi (ITABU). Je suis né le 01 janvier 1998 et je suis un célibataire.
Akeza.net : Où avez-vous appris à chanter ?
Francis : Je n’ai pas fait d’école de musique. C’est une chose qui est venue comme ça. J’ai réalisé que chanter était un art fait pour me convenir dès l’âge de 7 ans. Une époque à laquelle je me tenais et chanter sans scrupule devant la foule de mon église. Peu après, je me suis mis à faire des cours de piano avant de me reconcentrer encore une fois sur mon talant de chanteur à partir de 2015. J’étais toujours à Karusi à l’Institut Technique Agricole du Burundi (ITABU). Là-bas, j’ai rencontré d’autres élèves passionnés de musique comme moi. Ils m’ont beaucoup inspiré et je me suis rendu compte que j’avais un niveau de moins en considérant leurs expériences, leur discipline de travail et la grandeur de leur vision. Ce sont eux qui m’ont fait croire qu’un pianiste peut faire un bon chanteur s’il arrive à marier les deux potentialités bien sûr. Je me suis mis à pratiquer avec rigueur et j’ai réussi chanter et jouer du piano à la fois pour moi-même.
Akeza.net : Aujourd’hui les gens vous connaissent par la qualité de votre voix et votre talant d’interprétation de chansons. Comment expliquez-vous cette transition subite, de chanteur au pianiste ?
Francis : A l’époque où j’étudiais en quatrième ou cinquième année primaire, j’avais fondé une petite bande d’enfants de mon âge et on était souvent invité pour la démonstration de nos talents à l’église et dans des croisades. Là-bas dans les campagnes, il y’a un niveau d’âge auquel la plupart des jeunes garçons abandonnent l’école et quittent la campagne pour aller travailler dans des villes notamment Bujumbura. Moi, quand j’ai vu partir mes amis, ma force et mes ambitions se sont vidées de moi. Je me suis ensuite écarté de mon rêve de chanteur et ma mère a vite constaté ma déprime. Elle a pris alors le parti de m’orienter vers l’apprentissage des instruments musicaux parce qu’elle savait que j’aimais aussi le piano. Dans la foulée de ma rupture avec ma passion de chanteur, Ma mère m’a apporté donc un piano pour que je commence mes premières leçons. C’est ainsi que j’ai appris à jouer à cet instrument.
Akeza.net : Vous souvenez-vous des noms de chorales au sein desquelles vous avez évolué ?
Francis : A Muramvya, je chantais dans la chorale dite « Chorale y’Abanyeshure » (Chorale des élèves) au sein de l’Eglise des Amis. Arrivé à karusi, j’ai chanté dans la chorale « Intore Za Yesu » de l’Eglise Anglicane de Karusi. A l’école, j’étais dans le Groupe Biblique. Dedans, il y’a toujours de clubs de choristes bien structurés.
Akeza.net : Vous avez quitté Karusi pour vous installer à Bujumbura. Jusqu’ici vous êtes restés fidèle à la musique. Racontez-nous votre expérience dans les studios d’enregistrement ?
Francis : J’ai commencé à aller en studio résidant toujours à Karusi. Travailler avec les grands ingénieurs du son comme Kolly Da the Magic, Amiri Pro et d’autres était mon grand rêve. Pourtant il fallait y mettre un peu de raisonnement pour voir clair les choses et comprendre qu’à défaut des moyens tout n’était que délire. Après avoir était déçu par mon premier projet méchamment bâclé par un ingénieur du son presque inexpérimenté, j’ai eu une belle leçon. Dès ce cauchemar mal vécu, je me suis juré de ne plus me laisser appâter par le niveau bas des prix de certains studios d’enregistrement. J’ai pris le parti de travailler toujours avec des ingénieurs du son qui sont forts en thème peu importe le prix. Un certain dimanche à l’église, j’ai révélé officiellement mon départ vers Bujumbura pour un séjour de travail en studio. J’avais aucun radis sur moi sauf la moitié du ticket aller et retour entre Karusi et Bujumbura. Le jour de mon voyage, un monsieur de l’église qui était présent quand j’annonçais mon départ m’a vu et s’est arrêté à côté de moi. Il m’a donné 10.000fbu pour acheter un soda. Une autre maman qui me venait souvent en aide dans les moments difficiles m’a vu et m’a confié une somme de 30.000 fbu accompagnée de beaucoup de bénédictions. Avec des petits dons affluant de gauche à droite, je me suis retrouvé avec une somme de 100.000 fbu convenue pour une avance chez Kolly Da Magic. Sa maison de production était encore basée à Gasenyi, sur l’avenue communément appelée Kuryama salons. Moi j’habitais à Kanyosha à proximité de chez Vyisi. Alors je devais me rendre à Gasenyi à pied. Souvent, le travail trainait. Je rentrais tard dans la nuit vers 22h à peu près. Mes déplacements nocturnes inquiétaient énormément mon oncle chez qui je vivais. Il m’avait déjà prévenu que si le pire m’arrive, il s’en laverait bel et bien les mains. Ce n’était pas facile mais j’étais plus que déterminé à vivre mon rêve.
Akeza.net : La chanson est-elle sortie ?
Francis : Bien sûr. C’est ma première chanson que j’ai pu fièrement assumer et publié sur mon compte You tube. Cette chanson a été produite par Kolly Da Magic. Son titre est ‘’Ndujujwe’’.
Akeza.net : Comment avez-vous pu payer le reste de la production de cette première chanson ?
Francis : Les gens qui me connaissaient déjà à Karusi, étaient curieux de savoir les raisons qui m’ont fait venir en ville quand ils me croisaient. Alors on échangeait sur le travail que j’étais en train de réaliser et ensuite, de l’aide qui tombait sans que je la sollicite.
Akeza.net : Après la sortie de votre chanson « Ndujujwe », comment avez-vous assuré sa promotion ?
Francis : La promotion n’a pas été facile. Mais, je remercie du fond du cœur Dj Mulla de l’église CLM. Il travaillait sur Buja FM en 2018. C’est lui qui m’a ouvert en premier les portes des médias car je n’avais aucun contact sur qui compter. En bref, Mulla a été touché par mon histoire. Venir de Karusi pour une production audio dans un studio d’ici à Bujumbura lui à donner l’envie de m’aider. Il a diffusé mes œuvres et il m’a connecté avec des réseaux de chanteurs et organisateurs d’événements gospels de Bujumbura.
Akeza.net : Et quelle a été la suite ?
Francis : J’ai continué à chanter et sortir d’autres morceaux. En 2019, j’ai tenté la Primusic pour la première fois. Je n’ai pas eu de la chance car j’ai été éliminé en demi-finale.
Akeza.net : Après votre récente victoire en Primusic, il y’a eu une flopée de commentaires fustigeant votre participation à cette compétition que certains jugeaient inappropriée pour un chanteur gospel. Y’aurait-il eu les mêmes réactions en 2019 aussi ?
Francis : J’étais dans une école à régime d’internant à cette époque. Toutes mes activités se passaient au sein du Groupe Biblique et on sortait rarement. Il y’a certainement eu des critiques mais je n’ai pas été blâmé comme en 2023.
Akeza.net : Moralement, comment avez-vous vécu ces réactions de gens ?
Francis : D’une part, cette situation m’a un peu chamboulé. D’autre part, j’ai compris leur réaction car, il se peut que certaines églises aient déjà perdu tant d’éléments qui après avoir participer à la Primusic, ces derniers n’ont pas fait le retour à la case départ. C’est à cause de cela que beaucoup pensent que chaque élément de l’église qui se lance dans cette aventure égale à un mouton qui s’égare. Je pense qu’ils avaient peur de me perdre aussi mais je les tranquillise. La Primusic n’est pas la seule compétition à laquelle j’ai participé jusqu’à présent. Je continue de chanter à l’église.
Akeza.net : Certaines églises se montrent plus austères et vont jusqu’à écarter de toutes activités de l’église des personnes reprochée de conduites déplacées. Ton église ne t’a-t-elle pas traité pareil ?
Francis : Mon pasteur et d’autres supérieurs dans la hiérarchie ne l’ont pas mal pris. Ils m’ont tous donné la force et j’ai gagné la compétition. Je suis très reconnaissant envers eux.
Akeza.net : En finale, on vous a vu interprété la chanson « Fou de toi » du producteur Element. Pourquoi ce choix ?
Francis : Au début de la compétition, j’ai commencé avec la chanson « Igituma ndirimba » de l’Apôtre Apollinaire HABONIMANA. Après, j’ai interprété « Niwewe gusa » de David Trésor NDIKUMANA. Pendant le Talk-Show, j’ai chanté mon morceau « Papa ». C’est à partir de la demi-finale que j’ai décidé de chanter « Fou de toi ». J’ai essayé de résister contre ce choix mais je n’ai pas pu. Il était plus fort que moi.
Akeza.net : Vous avez gagnez 30 millions en tant que champion de la Primusic 2023. Que comptez-vous en faire ?
Francis : Au cours de la Primusic, j’ai parlé de mes futurs projets. Mon ambition est d’élever en hauteur l’image de la musique burundaise. J’exerce déjà le coaching des artistes quel que soit le genre de leur musique. Je suis disposé à aider chaque artiste qui souhaite ma part de contribution. Pendant la compétition, j’ai fait mention de mon rêve d’avoir un bon studio d’enregistrement bien équipé. Ce sera mon adresse pour accomplir ma mission au profit des artistes émergent et l’image de la musique burundaise en général.
Propos recueillis par Africa BINTUNUMUKAMA