Entrepreneuriat : sur le chemin de l’asile naquit une idée d’entreprise

Entrepreneuriat : sur le chemin de l’asile naquit une idée d’entreprise

Originaire de la colline Kibingo en commune et province Kayanza, Vincent TOYI est un père de famille né en 1985. Après plusieurs années d’asile à l’étranger, ce natif de Kayanza est revenu avec une idée de créer, au Burundi, une entreprise de production des chaussures et d’autres produits fait-mains à base des peaux d’animaux domestiques. Réinstallé sur la terre de ses ancêtres, il va vite rencontrer sa toute première équipe et obtenir un appui qui va marquer le début d’un voyage vers l’accomplissement de son rêve.

 

Vincent TOYI a passé beaucoup d’année en asile à l’étranger avant de regagner son pays natal. Sur son chemin à l’étranger, tout n’est pas à blâmer malgré le contexte.

« J’ai passé beaucoup d’années en Tanzanie, au Kenya, au Rwanda et en Ouganda. J’ai découvert des maroquineries dans ces pays que j’ai connus à l’époque où j’étais un réfugié. J’ai aussi côtoyé des Massaï sur mon chemin. Leurs produits sont de haute qualité. A Mwanza en Tanzanie, je me suis fait un ami maroquinier. C’est grâce à lui que j’ai acquis des connaissances sur la fabrication des chaussures pour homme dit Richelieu ou Bal-type, des ceintures, des portes-feuilles, des sacs à main et tant d’autres articles fabriqués dans le cuir », dit-il.

 

Retour au pays natal.

« A mon retour au Burundi, j’ai fondé, en 2016, la coopérative TURASHOBOYE de Kayanza en collaboration avec mes collègues. Nous n’étions que 10 membres au début. Nous avons rassemblé une contribution de 100.000fbu par personne, pour réunir un capital et démarrer l’aventure de maroquiniers », décrit Vincent TOYI.

Acheter des peaux de vaches et de chèvres, faire le tannage et disposer des machines et d’autres matériels qui aident dans le processus de fabrication des chaussures, des sacs à main, des sandales, des ceintures et d’autres articles en cuir, exige des moyens. Reconnaissant, Vincent TOYI n’oubliera pas le rôle joué par certaines organisations en faveur de sa coopérative.

 « Je remercie les responsables de l’association SHAZA qui nous ont beaucoup aidé à porter loin notre projet. On a eu la chance d’être appuyé par le PNUD .Nous avons obtenu un financement, des machines et des formateurs ont été déployés pour initier au métier les autres membres de notre coopérative. Car j’étais la seule personne qui connaissait fabriquer les chaussures de l’étape du patronage à la finition », explique le responsable de la coopérative TURASHOBOYE, tout en rajoutant sur la liste l’organisation Caritas Burundi qui leur avait aussi fourni certains des matériels qu’ils utilisent jusqu’alors.

 

Le moment décisif.

« Les travaux déjà lancés, un sentiment d’incertitude sur notre avenir planait déjà chez une majorité de nos membres. Beaucoup avaient des diplômes. Ils postulaient ici et là pour obtenir un job. En pleine phase de naissance de notre maroquinerie, 8 membres ont trouvé de l’emploi et sont partis », déplorent Vincent TOYI, tout en rappelant que l’essentiel est de voir s’en sortir tous ces jeunes sans emplois.

Après ce coup dur, la survie de la coopérative et de son rêve, devenu collectif plus tard, a été abandonnée à Vincent TOYI et un de ses anciens collègues qui n’a pas quitté le bateau. Comme ils avaient conscience des réalités du chômage auxquelles font face les jeunes diplômés, ils ont lancé l’initiative des stages de formation professionnelle. Cela devenue plus tard une activité de routine au sein de TURASHOBOYE. Parmi les premiers bénéficiaires de la 1ère opportunité de stage, 12 candidats ont été retenus et admis comme membres.

 

Un métier aux multiples avantages

Ce métier de maroquinier à changer le cours de la vie de Vincent TOYI et des 27 autres membres qui composent aujourd’hui la coopérative. Ce responsable à la tête d’une équipe de maroquiniers répertorie certaines des occasions d’écoulement de leurs articles.

« On a déjà participé à différentes foires-expositions organisées au niveau national mais aussi dans certains pays de l’E.A.C comme le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda. Aujourd’hui, même si nous ne vendons pas assez,  des gens commandent ou viennent acheter nos articles. Nos chaussures, nos sacs à mains, nos ceintures, nos portes-feuilles et nos sandales trouvent de la clientèle à Kayanza et aussi dans d’autres provinces du pays », confirme Vincent TOYI.

Comme l’affirme  le esponsable de TURASHOBOYE, en dehors des membres de sa coopérative et des éleveurs qui bénéficient des activités de leur coopérative, le pays aussi en tire profit car ils ont un Numéro d’Identification Fiscale (NIF).

La coopérative forme des jeunes et une chance d’adhésion à cette famille de maroquiniers s’offre aux plus brillant comme le témoigne Nadine ININAHAZWE, une ancienne stagiaire devenue membre de TURASHOBOYE au bout de sa formation.

« Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’université, du coup, j’ai adhéré à cette coopérative en 2018. Nous sommes 14 filles parmi les 27 membres. L’idée d’intégré la coopérative m’est venue après avoir étouffé tout mon espoir de trouver de l’emploi. J’ai rejoint les autres jeunes en formation organisée par cette coopérative », affirme-t-elle et poursuit le récit de son amour pour le métier de maroquinier.

« J’ai commencé par curiosité et, avec le temps, le métier m’a entièrement conquis le cœur. Aujourd’hui, je sais confectionner des sacs à main, des sandales, des ceintures et d’autres articles dans le cuir. Je fabrique des chaussures pour homme sans difficulté. Mariée depuis quelques années, l’argent que je gagne m’aide en famille. Je contribue dans l’achat des provisions, dans la scolarité et l’habillement de nos enfants grâce à ce métier », raconte Nadine ININAHAZWE, détentrice d’un diplôme des humanités générales en Section Scientifique.

 

La réussite mais aussi beaucoup de défis

Aujourd’hui, l’équipe de la coopérative TURASHOBOYE située au Q.Kirema de la province Kayanza travaille dur pour augmenter sa performance et sa notoriété. Différents articles de qualités sont produits les uns après les autres comme l’assure Vincent TOYI. Cependant, un léger sentiment de déception ne manque pas par rapport aux ventes.

« Les burundais n’ont pas encore la culture de consommer les fabrications locales. Cela est l’ainé de nos soucis car si on doit accroitre la production de notre coopérative et créer plus d’emplois, il ne sera pas facile sans compter sur le marché local. La concurrence est inévitable. Nous espérons qu’un jour les burundais auront un autre regard sur les produits made in Burundi ; car nos articles sont aussi de bonne qualité que ceux importés », déclare-t-il.

Le responsable de TURASHOBOYE relève également le problème d’accès difficile à certains produits chimiques qui aident dans le tannage des peaux de vaches et de chèvres afin d’obtenir le cuir. Mais rien de tous ces défis ne leur empêchent de fixer, en fonction des capacités financières des clients, les tarifs de leurs produits.

« En dépit des difficultés qu’on rencontre, la gamme de prix de nos articles, donne le choix aux différentes catégorie d’acheteurs car, nous vendons à des tarifs abordables et variés. Par exemple, en fonction de la qualité et des couts de production, nos tarifs varient entre 15000 et 100.000 fbu pour les sacs à main. Nous avons des belles chaussures pour homme que nous vendons soit à 70.000fbu, soit à 100.000fbu chaque paire », précise Vincent YOYI.

 

Le savoir est une arme !

La coopérative TURASHOBOYE, qui aujourd’hui commence à s’intéresser à l’élevage des vaches et des porcs ; aspire à l’extension de sa production mais aussi à la multiplication des opportunités de formations à l’endroit des jeunes sans emplois. Selon Vincent TOYI, la formation des jeunes s’avère être un des leviers incontournable dans la lutte contre le chômage.

« Nous demandons au Gouvernement et ses partenaires au développement de nous soutenir davantage pour continuer à progresser. Les formations et l’appui peuvent aider à freiner le fléau du manque d’emploi. Nous aimerions qu’il y’ait la création et la multiplication des centres de formation pour apprendre aux jeunes sans emploi la maroquinerie et promouvoir ce type d’entreprise au Burundi » affirme-t-il.

 

Africa BINTUNUMUKAMA