Le magnétisme des matchs de football épargne peu de gens chez nous comme ailleurs. Pendant que certains s’émerveillent du spectacle autour du ballon rond, d’autres pensent au profit que génère sa fabrication au sein des industries. C’est le cas de Serges NINGABIYE, originaire de Cankuzo. Cet entrepreneur nous raconte sa passionnante histoire sur le ballon de foot « Made in Burundi » au cours d’une interview recueillie lors de la 3ème édition du Youth Impulse, organisé par PAEEJ au cercle Hippique de Bujumbura, du 21 au 22 septembre 2023.
Akeza.net : Pouvez-vous vous présenter ?
Serges : Je m’appelle Serges NINGABIYE, j’habite en province de Cankuzo, en commune et colline Mishiha.
Akeza.net : Que faites-vous dans la vie ?
Serges : Je fabrique des articles en cuir notamment des ceintures, des sacs à main, des sandales, des ballons de football avec couture visible et bien d’autres choses.
Akeza.net : A côtés de tous ces articles, il y’a le ballon rond qui est généralement importé de l’étranger. D’où vous est venu l’idée d’en produire au niveau local ?
Serges : Je fais partie d’une jeune génération qui se cherche et qui mise tout sur le développement de projets entrepreneurials. J’ai réalisé que les ballons de football utilisés dans notre pays sont tous importés de l’étranger. Alors j’ai pris cela pour une opportunité d’affaire et je me suis mis à faire des recherches pour savoir toute la matière qui concoure à la fabrication d’un ballon de foot.
Akeza.net : Comment faites-vous pour les produire ?
Serges : Pour obtenir un ballon, je dois disposer d’une sorte de cuir léger et d’une chambre à air d’abord. Il existe plusieurs types de cuir au sein de l’industrie du cuir, AFRITANE, basée à Bujumbura. Et, les chambres à air que j’utilise sont importées depuis la Tanzanie. Après avoir rassembler ces éléments, je me mets à faire des mesures et à découper le cuir en de morceaux de forme pentagone et hexagone. Ces derniers portent des couleurs qui vont avec mon design. Après le découpage, j’assemble avec une aiguille et du fil, toutes ces parties issues du cuir pour former la couche extérieure.
Akeza.net : Au niveau des prix, y’aurait-il une différence entre vos ballons et les ballons importés ?
Serges : Mes ballons de foot coutent moins cher que les ballons qu’on importe. Mon Ballon vaut 100.000 fbu seulement. Les ballons de foot importés ont des prix qui excèdent de loin le mien et tout est question des coûts d’importation mais aussi de la qualité du ballon. Le mien n’est pas moins cher parce qu’il est de mauvaise qualité. C’est plutôt que ce sont de fabrications locales avant tout et que la plupart des matériaux que j’utilise sont accessibles au Burundi.
Akeza.net : faites-vous face à des défis ?
Serges : Je travaille à la main. Dans le monde actuel, tu suis l’évolution ou tu te retrouves dépasser. J’aimerais avoir une machine et suivre des formations dans des grandes entreprises pour améliorer la qualité de mes ballons. C’est vrai qu’ils sont performants et durables sur la plupart de nos terrains sans pelouse ou gazon d’après les retours mais, je sais qu’une opportunité de formation m’apporterait de nouvelles connaissances pour améliorer mes techniques. Il y’a un autre défi de taille à souligner. Quand on se présentes comme un jeune fabricant de ballon de football, les gens vous fixent avec un regard plein de suspicions. Le soutien devient difficile à gagner tant que personne ne croit en nous et en nos capacités créatrices. Il y’a aussi le problème des médias qui sont très rare dans nos localités isolées du pays. On ne bénéficie pas d’espace médiatique pour la visibilité de nos produits et nos talents. Du coup, les gens nous connaissent à peine et continuent de se tourner vers l’étranger pour s’approvisionner.
Akeza.net : Travaillez-vous tout seul ?
Serges : Je ne travaille pas seul. Cela fait plusieurs mois que j’ai à mes côtés un apprenti. Il n’avait jamais pratiqué mon métier avant. Il a des difficultés à s’adapter mais, son courage finira par lui donner un bon bagage de connaissances. L’entrepreneuriat est la meilleure voie pour faire face au chômage. Je veux qu’il excelle et qu’il puisse m’aider plus tard à produire assez d’articles et gagner ensemble.
Akeza.net : Quelle est votre grande ambition ?
Serges : J’aimerais produire de bons ballons de foot ayant de standards reconnus par la Fifa. J’ai commencé la production de ballon de foot au mois de Juin 2023. Le premier était un échantillon et je l’ai offert aux jeunes footballeurs pour évaluer ses qualités. Jusqu’alors, l’appréciation est positive. Mes ballons sont légers, bien lisses au touché et résistantes aux chocs. Je suis convaincu qu’ils sont meilleurs.
Akeza.net : Combien de ballons avez-vous déjà vendu jusqu’à présent ?
Serges : Depuis le mois de Juin jusqu’en ce mois de septembre, j’ai déjà vendu 7 ballons de foot. Pour moi, cette une belle affaire qu’on a réalisée. Ce chiffre de ballon vendus pendant 3 mois seulement laisse espérer et je crois que si on était plus connu, le business irait mieux que ça.
La séduction de son initiative de fabrication de ballons de football marche bien. Devant les stands de différents jeunes entrepreneurs ayant aux activités de marquant la Youth Impulse 2023, Jesper DEWIT, un des clients de Serges NINGABIYE nous a partagé son impression.
« J’aime beaucoup le foot et j’ai été surpris de trouver un ballon qui a été produit ici au Burundi parce que normalement, les ballons sont importés de la Chine et des autres pays. C’est incroyable et très positif de produire ça au Burundi. C’est un bon ballon. Je l’ai acheté pour motiver et donner ma contribution à ce jeune qui les fabrique », a-t-il dit.
Propos recueilli par Africa BINTUNUMUKAMA.