Comment parler de Nelly Nat sans offenser certaines personnes ? Comment parler de ce qu’elle fait, de ce qu’elle représente, sans susciter de commentaires haineux envers elle et sans que cela ne me retombe dessus ? Ce sont les deux grandes questions que je me suis posées quand l’idée m’est venue d’écrire sur Nelly Nat.
L’importance des propos d’une personne est devenue subjective, mais elle n’est en aucun cas inexistante. Ce que dit une personne sur elle-même est toujours vrai jusqu’à preuve du contraire. C’est pourquoi l’idée de passer une journée avec Nelly Nat, de l’observer, de discuter avec elle, m’a semblé la plus adaptée.
Voici donc « Un lundi avec Nelly Nat »
La veille du lundi de la dernière semaine du mois de septembre, je lui ai écrit, je lui ai exposé mon idée et elle était d’accord. Elle m’a expliqué qu’elle se réveille à 8h et qu’elle quitte sa maison à 9h. Elle m’a précisé que la journée serait longue, qu’avant d’aller à son bureau, elle avait trois rendez-vous. Vers 12h, elle m’a écrit et m’a dit de la rejoindre à son bureau. Je ne savais pas à quoi m’attendre en réalité. J’avais peur que la Nelly Nat que l’on connaît sur les réseaux sociaux, soit celle que je rencontrerais. Aigrie et sur la défensive dans ses réponses. Je m’étais donc fixé pour objectif de la pousser à me parler en utilisant mon charme qui, selon certains de mes amis, peut pousser les gens à se confier (attention, je ne fais pas la grosse tête).
Me voilà donc devant la réception de l’Hôtel Source Du Nil, en train d’essayer de décrire Nelly Nat sans dire son nom.
Moi : « Connaissez-vous une femme qui travaille dans l’un des bureaux d’ici. Elle a une agence de tourisme. Elle est de taille normale, je dirais même moyenne ? ».
La femme de l’accueil : « Ce n’est pas vraiment clair comme description. Elle travaille avec qui ? ».
Moi : « Sincèrement, je n’en sais rien »
La femme de l’accueil : « Vous avez essayé de l’appeler ? »
Moi : « Je vais faire ça »
Après deux tentatives qui ont échoué, sûrement à cause de la connexion, je me suis retourné et j’ai posé la question que j’aurais dû poser dès mon arrivée.
Moi : « Elle s’appelle Nelly Nat, vous la connaissez ? »
La femme de l’accueil : « Vous parliez de Nelly Nat ? Mais bien sûr que je la connais ! Premier étage, bureau au fond à gauche »
Je m’étais représenté mentalement le bureau de Nelly, mais il s’est avéré que nourrir des attentes n’était pas forcément la meilleure approche. Dès que je suis entré, un ancien camarade de classe m’a salué et m’a demandé si j’étais venu voir Nelly. J’ai répondu par l’affirmative. Après avoir évoqué quelques souvenirs d’école et taquiné sur ma prise de poids, il m’a montré le bureau de Nelly Nat. De loin, elle m’a fait signe d’entrer.
De la timidité au confort, Nelly Nat contrôle toujours la discussion.
Quand j’ai dit que j’allais user de mes charmes, j’ai parlé trop vite. Je n’ai pas réussi à glisser un mot. Comme si elle savait ce que j’allais lui demander, elle m’a répondu avec une sincérité que je pouvais lire sur son visage. Après les formalités, je me suis posé la question suivante : « C’est chez qui ici ? ». Je vous explique, quand tu entres dans l’endroit où elle travaille, tu es accueilli par deux jeunes devant un mixeur, une vitre qui laisse entrevoir ce qui est de l’autre côté, c’est-à-dire un micro et des instruments de musique, ce qui laisse penser que c’est un studio d’enregistrement.
Nelly Nat m’a expliqué que c’est le studio d’un très bon ami à elle, qui vit à l’étranger et dont elle assure la surveillance. Elle en a également profité pour en faire son bureau, avec son accord bien sûr.
Qu’est-ce que Nelly Nat fait dans la vie ? Voici la première question sérieuse que je lui ai posée. Et voici sa réponse.
« Je suis la fondatrice de Nature Burundi Safari Tours, une entreprise qui vise à développer le secteur du tourisme en exposant les sites touristiques de notre pays via internet. Mais ça tu le sais déjà. Là maintenant, je suis sur le point de commencer la construction d’un parc à Gitega. Nous avons le terrain que nous avons reçu récemment grâce au financement du PAEEJ, et grâce auquel notre première action en tant qu’agence de tourisme sera posée. Ce sera un espace de jeux pour les enfants mais aussi un espace de relaxation. Je discute actuellement avec une des agences de tourisme en Tanzanie qui pourront nous aider dans l’importation de certaines espèces animales. Un espace assez grand pour accueillir une réception de mariage, mais aussi une rencontre entre amis en même temps etc. Nous sommes dans l’ère de la technologie, faut que l’on sache se vendre. C’est quelque chose sur lequel j’ai réfléchi depuis longtemps et qui me tient à cœur. C’est maintenant qu’il faut que j’agisse ».
Je l’admets, pendant qu’elle parlait, mes yeux s’attardaient sur la façon dont elle s’exprimait, tandis que mes oreilles elles, je ne sais pas trop à quoi elles me servaient. Je pouvais lire une passion pour le tourisme, mais aussi un esprit stratégique. Une passion derrière qui m’était difficile à déchiffrer. Surement parce que je commençais à voir faim.
Après avoir glissé quelques blagues pour détendre l’atmosphère qui devenait trop formel, je lui ai demandé quel était son programme pour la journée. Elle m’a répondu : « J’ai trois rendez-vous, deux dans mon bureau et un autre dans les locaux des services de renseignements nationaux ».
Je parie que vous auriez eu la même réaction que moi : « Muri documentation gukora iki ? » (À la documentation, pour faire quoi ?).
Elle m’a expliqué qu’elle faisait partie de l’organisation du concert « The Ben Live in Burundi » qui a eu lieu le samedi et le dimanche précédents. Son rôle était de s’occuper des autorisations auprès des autorités et de l’accueil des invités. Elle m’a dit qu’elle avait réussi à obtenir les faveurs de l’organisateur grâce au buzz sur les réseaux sociaux.
Enfin, le sujet était sur la table. Je ne sais pas si c’était de la timidité, mais je n’arrivais pas à aborder le sujet, comme si j’avais peur d’être sa nouvelle proie. J’avais une seule question sur le bout de la langue : « comment tout cela avait commencé ». Je l’ai finalement lancée sur ce sujet, et elle m’en a parlé pendant le reste de la journée. Permettez-moi de résumer tout cela.
« Tout a commencé par un groupe WhatsApp. J’étais l’une des plus grandes fans de Natacha, c’est de là que vient le « Nat » devant Nelly. Vers les années 2016, DJ Rapha, qui me connaissait, m’a ajoutée dans un groupe appelé Home Flavor ou quelque chose comme ça, avec de nombreux chanteurs, anciens et nouveaux. J’aimais parler et j’animais beaucoup le groupe, ce qui m’a valu d’être l’administratrice du groupe. Donc, si quelqu’un m’énervait ou ne respectait pas les règles, je le retirais. J’admets qu’à cette époque, j’avais déjà commencé à insulter des gens. Ils me traitaient de paysanne à cause de mon mauvais français, alors je les insultais encore plus. Par la suite, j’ai lancé ce que j’appelle une émission, mais ce n’était pas vraiment une émission. C’était une discussion où les membres du groupe posaient des questions aux artistes, et petit à petit, certains m’écrivaient en privé pour me parler des anecdotes et des choses faites par ces artistes. À cette même époque, je suis allée travailler à Rema FM, où j’avais une émission qui se déroulait toujours à 18h et qui s’appelait AKIWACU. Grâce aux contacts que j’avais grâce aux groupes, c’était facile pour moi. En 2019, j’étais fatiguée de ces groupes et j’ai décidé de me consacrer au tourisme. Après 4 années, je commence à voir les résultats », m’a-t-elle expliqué.
Pendant qu’elle me racontait son histoire en tant que « Queen du buzz », les deux rendez-vous étaient entrés et sortis après avoir goûté, l’un à la bienveillance et au grand sourire de Nelly Nat, et l’autre à la colère et à l’incompréhension face à de mauvais services offerts.
L’heure du dernier rendez-vous de la journée était arrivée. Nous sommes descendus à l’accueil pour attendre la voiture qui devait nous escorter (un terme un peu exagéré pour parler d’un taxi, mais bon). L’homme responsable des deux concerts de The Ben est arrivé avec deux heures de retard, ce qui a réussi à énerver Nelly Nat. Cela m’a appris une autre chose à son sujet : elle déteste qu’on lui mente, elle préfère la vérité brute, qu’elle soit bonne ou mauvaise.
Nous voici donc dans un taxi silencieux, personne ne parle à l’autre. Moi, comme un petit enfant au milieu, je demandais à l’organisateur comment se déroulaient les préparatifs. Il m’a répondu d’un air hautain : « Très bien, et qui es-tu ? » (Je n’aimais pas cet homme). Nelly s’est empressée de me présenter. Nous avons passé 45 minutes à l’intérieur à attendre que l’organisateur termine son entretien avec l’un des responsables des services de renseignements du pays. Pendant ce temps, j’étais assis à côté de Nelly, contemplant cet endroit craint de tous, dont on parle comme étant l’enfer sur terre au Burundi. Nelly Nat, quant à elle, était devenue la meilleure amie du policier censé nous surveiller. Ils ont parlé de tout et de rien, de leurs familles qui se trouvent à Gitega, là où curieusement ils sont tous les deux nés.
Après le retour de l’organisateur vers 18h40, nous nous sommes dépêchés de sortir et d’aller acheter quelque chose à manger car nous crevions de faim. Comme quoi, la faim rassemble les gens. J’ai discuté avec l’organisateur et à ma grande surprise, c’était un bon gars, mais un peu trop ambitieux.
Je ne me suis pas empêché de remarquer que pendant toute la journée, elle était tout le temps sur son téléphone et répondait aux commentaires d’une vidéo sur Akeza et sur ces posts sur X. Sur son visage je pouvais voir que c’est plus que des commentaires pour elle, c’était un travail, she is committed !!
Alain Pascal SIMBABAJE