Buja Sans Tabou 2020 : pourquoi connaître Manhattan mieux que Bwiza ?

Buja Sans Tabou 2020 : pourquoi connaître Manhattan mieux que Bwiza ?

Pourquoi dire les choses, lorsqu’on peut tout simplement les montrer ? C’est la question que je me suis posé hier, 10 février, en assistant à la conférence de presse qui lançait les travaux de la 4e édition du festival Buja Sans Tabou. Une rencontre particulière entre les acteurs du théâtre burundais et la presse. Particulière parce qu’au-delà du fond (entendez par là, le message qu’il fallait transmettre), c’est la forme qui m’aura marqué ce matin-là. Alors que la place est souvent donnée aux mots savants et logiquement construits dans ce genre de rencontre, pour Buja Sans Tabou, c’était le théâtre et le jeu d’acteur qui avait pris la parole.

Transformant le siège de Buja Sans Tabou en une immense scène multiforme, ils auront réussi à capter mon attention par la pertinence de la pièce qui se jouait. En effet, en une quinzaine de minutes, j’aurai compris ce que le festival annonçait. Un voyage dans le temps, entre histoire, faits sociaux et relations humaines.

C’est certainement la grande particularité de ce Buja Sans Tabou 2020. Freddy SABIMBONA et les 5 compagnies qui accompagnent ce festival nous proposent une virée dans l’histoire de Bujumbura et de ses habitants à travers le temps. Une visite éducative dans les couloirs du passée de cette ville que nous aimons et dont nous revendiquons l’appartenance. « Je trouve un peu aberrant que l’on connaisse beaucoup plus sur d’autres pays que sur notre propre pays. On connait beaucoup plus les champs Elysées, la rue Neuve, la 5e avenue à New-York qu’un quartier qui est à 5 Km de chez nous. C’est un peu fou. Donc on a voulu dépasser le cadre du théâtre en prenant un cadre citoyen », disait Freddy. C’est donc une démarche citoyenne, un devoir de mémoire, une thérapie artistique qui devrait réconcilier l’habitant de Bujumbura à l’histoire de sa ville.

Contexte et langage

Que c’est beau de vouloir raconter l’histoire par le théâtre. Mais comment le faire pour un public qui se passionne pour les histoires de « Ninde » et les comédies de « Mutima », lorsque ce n’est pas la musique de Bob Marley et le cinéma tanzanien ? C’est à ce moment-là que l’artiste qui joue Molière en français, apprend à adapter son art au contexte social et au langage de sa cible. Connaitre l’histoire, la comprendre et la transmettre au public en utilisant son langage et ses codes. Voilà de quoi il s’agit.

La ribambelle d’acteurs qui écumeront les lieux mythiques des 5 quartiers choisis (Bwiza, Nyakabiga, Buyenzi, Quartier Asiatique et Ngagara), joueront en swahili, kirundi, français et même en lingala. Ils parleront comme les jeunes de Ngagara à coup de « Rasta », comme les jeunes de Bwiza dans un swahili aux multiples ramifications avec toute l’exubérance qui les caractérise. Bref, ils se mettront dans la peau de « l’autochtone », dans celle du « natif » pour que celui-ci le comprenne. Et pour couronner le tout, ils mettront ce dernier en contribution en le faisant jouer devant les siens.

Avec une ouverture officielle dans la boite de nuit  5 sur 5, nous aurons véritablement l’occasion de voir ce que des heures de recherches et de répétitions peuvent produire.

 

Unir les arts pour raconter l’histoire

Bien qu’il soit un festival de théâtre, Buja Sans Tabou brise les codes en plaçant théâtre, slam, danse, musique, photographie et peinture sous une seule et même bannière. Tout au long de ce festival, plusieurs représentations de différentes expressions artistiques seront au rendez-vous.  Nous aurons droit au spectacle des troupes Az Bollywood Dance (danse indienne) et Intatana (danse traditionnelle burundaise) le 18 février, un concert reggae le 19 février à Ngagara ou encore des scènes slam avec le collectif Jewa Slam. Nous n’oublierons pas de compter les ateliers d’échange entre différents artistes (acteur, peintre, photographe, slameur etc.) sur le processus de création à la galerie d’art TwoFiveSeven Arts.

Et comme il est devenu de coutume, Buja Sans Tabou accueillera des pièces de théâtre venues du Malawi et du Burkina-Faso. Des pièces que l’on pourra suivre le 20 février. S’ouvrir à l’autre pour partager.

Au final, plus qu’un festival de théâtre, Buja Sans Tabou est un festival d’art. Un cours d’histoire interactif où le prof peut devenir l’élève et vice-versa. L’enjeu est d’autant plus important qu’il rend belle la démarche. Apprendre en s’amusant et s’amuser en apprenant. Cette expression ne portera pas aussi bien son sens que lors de ce festival.

Nous en reparlerons…

 

Moïse MAZYAMBO