4 jours ! Pour certains, c’est le temps qu’il faut pour qu’une grippe se dissipe, pour d’autres, c’est le temps nécessaire pour défaire leurs tresses ou encore construire une table pour les passionnés de menuiserie. Pour moi, c’est le temps qu’il m’a fallu pour rédiger cet article après avoir assisté à la conférence-débat organisée par Lady Banga le mardi 12 septembre 2023, sur le mouvement Nappy (Natural Hair Movement). C’était la première fois que j’entendais parler du mouvement des cheveux naturel. Avant que vous ne me preniez pour un homme sans culture générale, je tiens à préciser que je comprenais ce que cela signifiait, du moins la traduction littérale. Mais dire que je comprenais en quoi consistait le mouvement serait mentir.
Donc, comme tout homme curieux, j’ai fait appel à Google. Je peux vous dire que j’ai été très surpris. Laissez-moi vous raconter.
Lady Banga, qui est-ce, ou plutôt qui sont-ils ?
La conférence-débat était organisée par Lady Banga, un groupe de réflexion (think tank) indépendant dédié à l’exploration de l’identité féminine au Burundi dans le contexte de la société contemporaine. Grâce Nelly Irakoze, fondatrice et directrice générale (CEO) de Lady Banga, m’a expliqué en quoi consistait son combat et la vision derrière Lady Banga.
« Lady Banga se concentre sur le rôle et la place des femmes et des filles burundaises dans notre société actuelle. Le projet a été lancé au début de 2023 avec notre première exposition itinérante sur la menstruation intitulée ‘’Lady Sang Tabou‘’, un événement qui a contribué à déstigmatiser et à éduquer les gens sur ce sujet important et souvent tabou. L’une des raisons qui m’ont poussée à créer Lady Banga est que je voulais contribuer à l’épanouissement de la femme burundaise actuelle pour construire celle de demain. »
ABASHAZASHATSI, un mouvement qui prône la beauté naturelle !
Comme l’a expliqué Grâce Nelly, l’idée derrière le mouvement est de valoriser l’identité burundaise et de renforcer l’estime de soi en mettant l’accent sur la beauté naturelle, exactement comme le « Natural Hair Movement ». Laissez-moi vous expliquer.
Remontons le temps, cheveux au vent, pour découvrir les origines du mouvement « Nappy ». Retrouvons-nous dans les années 2000, à une époque où les cheveux lisses étaient considérés comme l’apogée de la beauté. Mais un groupe de rebelles capillaires, mené par l’activiste Angela Davis, a décidé de prendre les choses en main. Avec ses cheveux afro remarquablement majestueux, elle a lancé le mouvement « Nappy », prônant la beauté naturelle des cheveux afro. Ainsi, une révolution capillaire était en marche.
Le chemin du mouvement « Nappy » n’a pas été sans embûches. Il est rapidement devenu une aventure pleine de rebondissements et de moments marquants. Ils ont organisé des flashmobs capillaires dans les rues, avec des chorégraphies délirantes mettant en valeur leurs magnifiques chevelures, bravant les regards désapprobateurs et les normes sociales. Les adeptes au mouvement ont réussi à déconstruire les préjugés et à défendre leur droit d’être fiers de leurs cheveux naturels. L’impact s’est étendu jusqu’à pousser les marques de produits capillaires à revoir leurs stratégies et à proposer des gammes adaptées aux besoins spécifiques des cheveux naturels des femmes noires.
Les réseaux sociaux ont joué un rôle clé dans cette révolution capillaire, permettant aux nappy warriors de partager leurs expériences, leurs astuces et leurs incroyables coiffures. Des tutoriels capillaires ont fleuri sur YouTube, enseignant aux masses la magie des twists, des tresses et des afros flamboyants.
Pour notre Burundi, qu’en est-il ?
Dans la conférence-débat don le thème était « L’évolution capillaire et esthétique dans la société burundaise de l’époque précoloniale à nos jours », je me suis posée plusieurs questions, donc je me suis dirigé vers la conférencière Dr. Christella Kwizera, sociologue et spécialiste du « Natural Hair Movement ».
Pour elle, ce mouvement représente beaucoup, sous plusieurs niveaux.
« En tant que femme ‘’naturalista‘’ (avec une coupe de cheveux naturelle) moi-même depuis 10ans, je trouve que c’est libérateur de me ressaisir des « standards de beauté » et me les réapproprier. En tant que Chercheure, c’est un champ nouveau d’études, mais il est bien développé dans d’autres départements comme Black/ African Studies dans les pays anglophones, y compris en Afrique », a-t-elle précisée.
Selon Dr. Christella Kwizera, comme toute mutation, depuis l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui, il y a des aspects positifs et négatifs.
« Le côté négatif est la perte de savoirs cosmétique-esthétiques souvent paysannes (artisanat du peigne, la connaissance des plantes aux vertus cosmétiques, par exemple) alors qu’aujourd’hui, le monde rural est exclu de cette discussion alors que ce sont les communautés paysannes qui produisent les matières premières nécessaires aux entreprises cosmétiques. Cette amnésie touche aussi les coiffures dont certaines méconnues aujourd’hui entraînent des discriminations (Ubusage = Dreadlocks). Après, le positif est la prise de conscience de la nécessité d’une beauté saine pour la santé et donc, l’apparition d’entrepreneur.e.s, qui semblent avoir la même préoccupation », a-t-elle précisée.
Après plusieurs questions du public venu assister à la conférence, un intervenant a partagé un conseil à toutes les femmes. Le conseil reçu par les personnes présentes, je vous le partage tel qu’il me l’a été donné de l’entendre :
« Laissez vos cheveux s’exprimer et n’oubliez jamais que la vraie beauté réside dans l’acceptation de soi, boucles et tout ! ».
Cette conférence débat était plus qu’un évènement, le mouvement ABASHAZASHATSI au Burundi s’inspire du mouvement Nappy pour promouvoir la beauté naturelle et l’acceptation de soi chez les femmes burundaises. C’était une célébration de la liberté capillaire et de l’émancipation esthétique. A mon humble avis, cette nouvelle apparition du mouvement au Burundi continuera d’évoluer, de se réinventer et de se propager. De quelle manière ? c’est à tous les burundais et burundaises de savoir ! Je ne suis qu’un journaliste !
Alain Pascal SIMBABAJE