L’interview « Vie & Carrière» de Jean HAKIZIMANA: le génie des tirs à 3 points raconte ses 14 ans au basketball!

L’interview « Vie & Carrière» de Jean HAKIZIMANA: le génie des tirs à 3 points raconte ses 14 ans au basketball!

Né en 1989 dans une famille de 6 enfants dont il est l’unique fils (à Jabe, quartier 2, en province de Bujumbura Mairie), Jean HAKIZIMANA est l’un des joueurs qui ont marqué l’histoire du basketball burundais. Son jeu de panier fascinant mêlé de tactiques et techniques (génie de shoot à 3 points) a fait de lui un basketteur au talent extraordinaire. Son parcours en témoigne suffisamment : 12 ans dans les rangs des verts et blancs  (Dynamo) et 14 ans de carrière au basketball.

Ce capitaine trentenaire a bien des choses à nous raconter. Dans cette entrevue, Jean nous offre un tour dans sa carrière où il retrace son évolution, ses succès, ses bons souvenirs, son regard par rapport au basketball burundais. Il pose également son regard sur ses grands moments dans l’univers du ballon orange. Plongée…

Akeza.net: 14 ans, c’est long. Quelles sont les distinctions qui jalonnent votre carrière dans le basketball?

Jean HAKIZIMANA : Elles sont nombreuses. Pour commencer, Durant mes années au sein de la division B, j’ai été Champion de l’ACBAB, des Playoff et du tournoi d’ouverture. Lorsque je suis monté en première division, j’ai été élu 3 fois meilleur meneur de l’ACBAB, 2 fois meilleur marqueur de l’ACBAB, 2 fois MVP de l’ACBAB , 3 fois MVP du championnat national, le MVP des Playoff, Meilleure révélation de l’année, Meilleur marqueur des Playoff, MVP ainsi que Meilleur meneur de l’année 2019 sur la plateforme en ligne « For the Love of the Game « , MVP des All-Star Game en 2018. En 2018, j’ai également reçu un certificat d’honneur décerné par l’association des jeunes sportifs (AJS) dans la compétition « Burundi Talent Awards 2018 » où j’ai été élu Meilleur Basketteur de l’année 2018.

Akeza.net: On a l’impression que plus tu prends de l’âge, plus tu deviens performant. Comment fais-tu pour garder autant la forme ?

Jean HAKIZIMANA: Ce n’est pas ton âge qui définit ta fin de carrière, c’est ton corps. Vous savez, l’âge n’est qu’une question de chiffres. J’ai de l’expérience et j’ai été chanceux de côtoyer les meilleurs basketteurs burundais des années passées et des internationaux au niveau de la région est-africaine comme Omony (Ougandais), Norman (ougandais) ,Blaise (Urunani ),Fanny (Urunani), Niyongabo (New Star ),Wallace (Urunani ) ,Sudi (Tanzanien ),etc. Toutes ces légendes m’ont appris sur leur mentalité, leur style de jeu, le sérieux qu’ils mettaient dans la pratique de ce sport et aussi leur efficacité pendant le jeu. C’est pourquoi je suis toujours performant car je sais ce que je dois faire pour gagner : la discipline, écouter les conseils des autres, rester soi-même, l’humilité, bosser dur pour arriver à un bon résultat.

Akeza.net: Tu t’es illustré en meilleur marqueur lors des éliminatoires de l’Afro basket 2021. Quel est ton secret pour exceller durant les grandes rencontres ?

Jean HAKIZIMANA: Chaque match a ses propres challenges que vous devez surmonter. Si vous êtes confiants, ça devient très facile. Je me prépare soit en faisant des exercices de tirs, des dribbles, etc. Pendant le match, je suis très patient pour identifier ce que mon adversaire est capable de faire. Je fais une lecture minutieuse du match. Je contrôle tout (le tempo du match, la pression). Je dirais que c’est une question de confiance avant tout. Croire en ce que tu es capable de faire.

Akeza.net: Qu’est-ce qui différencie votre époque et la nouvelle génération ? Au niveau technique, les moyens des clubs, etc…

Jean HAKIZIMANA: Je ne dirais pas qu’il y a une grande différence mais quand même le basket d’aujourd’hui et celui d’antan sont différents. Aujourd’hui, on joue pour le show (plaisir), il y a peu d’efficacité. Tandis qu’à l’époque, on y mettait plus d’efficacité dans tous les domaines. Ils savaient quoi faire pour gagner un match. Le problème qu’il y a aujourd’hui est que les jeunes jouent seulement pour jouer. Ils se disent “je vais marquer quelques paniers et le public va m’applaudir”. Ils n’ont pas d’objectif précis.

Au niveau technique : les années passées, dans le match, les joueurs étaient patients dans la construction d’un bon système de jeu. Ils prenaient du temps pour pouvoir faire les choses au bon moment. Mais aujourd’hui, on voit des joueurs qui courent seulement sur le terrain, sans aucun objectif dans le match. Il leur manque l’intelligence de bien faire les choses et le bon moment pour le faire. Ils ont beaucoup de choix dans la technique mais ils n’arrivent pas à se  trouver. On dirait qu’ils tâtonnent ! De plus, les joueurs d’aujourd’hui croient tout maitriser. Alors que c’est faux, il faut continuer à se perfectionner chaque année.

Pour ce qui des moyens des clubs, c’est déplorable. Il n’y a vraiment pas de moyens parce qu’il y a un manque de financement et d’investisseurs. A l’époque il y avait beaucoup de moyens. C’est pourquoi c’était rare de voir un joueur quittant son club car il était bien traité.

Akeza.net : Selon vous, quels sont les basketteurs qui ont marqué l’histoire du basketball  burundais? Au moins 5 et pourquoi ?

Jean HAKIZIMANA: Olivier Ndayiragije (mon coach aujourd’hui), Niyongabo (New Star), Fanny Fabrice (Urunani ), Amidou (Kern), Kababa (Urunani). Pour NIYONGABO et Fanny Fabrice, j’ai eu  l’opportunité de jouer avec eux. J’ai été inspiré par leur touche de balle. Même lors des  matchs internationaux, ils montraient qu’ils étaient de grands joueurs. Ils étaient athlétiques et efficaces face à l’anneau. Ils prenaient les choses en main pendant le match pour pouvoir gagner. Les autres, Amidou, Kababa , Olivier , je n’ai pas eu la chance de les voir jouer mais je vois des empreintes qu’ils ont laissé, on en parle tout le temps. Ils étaient de bons basketteurs, des géants au niveau du gabarit. De nos jours, c’est rare d’en trouver des comme ça. Pour moi ce 5 sont les meilleurs basketteurs de tous les temps chez nous.

Akeza.net: Il y a des gens qui disent que tu aurais pu rejoindre un championnat de haut niveau vu tes performances…

Jean HAKIZIMANA: [Rires…] Ils se trompent. J’ai déjà joué ailleurs. J’ai signé mon passage au Rwanda, en Ouganda et au Kenya. J’ai joué pour les clubs de ces pays et je sais bien la pression qu’il y a. Mais c’était juste acquérir de l’expérience. Même si je jouais là-bas, je ne me suis jamais senti chez moi. J’ai tout eu dans ces clubs (l’argent, le succès) mais par après j’ai constaté que peu importe où tu te retrouves, c’est toujours mieux de gagner le succès et l’argent en étant chez soi qu’à l’extérieur. C’est pourquoi j’ai décidé de rester ici.

Akeza.net : Certains disent que tu as eu ton travail parce que tu joues pour Dynamo….

Jean HAKIZIMANA: [Rires] Oooh lala….Là je pense que je n’ai rien à dire. Dynamo est ma deuxième famille. C’est vraiment dans le sang. Je dirais même que je suis né pour être dans ce club [Rires…]. Tout ce que j’ai eu, c’est grâce à mon club. Sin on parle de l’éducation, le club m’a payé mes frais d’université à Hope Africa, en Finance et Banques. J’ai eu des amis grâce à lui. Je suis devenu un grand basketteur grâce à Dynamo. Je ne trouve même pas les mots pour décrire l’impact qu’être joueur de Dynamo a produit dans ma vie. C’est au-delà de ce qu’une famille de sang pouvait faire. En général, je suis béni d’avoir cette deuxième  famille. Pour ceux qui pensent que j’ai eu du travail grâce à Dynamo, c’est faux!

Akeza.net: Au-delà d’être un joueur, quel regard portes-tu sur ta carrière? Quelle empreinte veux-tu laisser dans ce monde?

Jean HAKIZIMANA: J’ai appris beaucoup de choses depuis que j’ai commencé au basketball. Mais ce qui m’intéresse avant tout, ce sont les études. Je compte finir un jour mon Master et qui sait, fonder ma propre famille. Je ne compte pas arriver plus loin au basket mais je continuerai tant que Dieu me donnera la force d’aider mon club à toujours remporter des trophées. Ça me fait mal de voir certains joueurs qui entrent dans la trentaine et pensent que c’est la fin de leur carrière. Ils préfèrent quitter le championnat pour aller dans le corporatif. Quand j’étais en Ouganda, je jouais avec des coéquipiers qui avaient plus de trente ans,voire la quarantaine. Mais ils étaient toujours performants comme s’ils avaient 20 ans.

L’impact que j’aimerais laisser dans ce monde? Je veux continuer à faire des bonnes choses, à aider mon prochain à chaque fois que j’en aurais l’occasion. Avoir du succès c’est bien mais ce succès tu vas l’utiliser comment ? Il ne faut jamais changer ta personnalité à cause du succès ou de l’argent. Il faut rester soi-même.

Akeza.net: De jeunes talents burundais au basket rejoignent chaque année des championnats professionnels (EAC, USA…). Qu’en penses-tu?

Jean HAKIZIMANA: C’est vrai. Beaucoup de jeunes talentueux du Burundi quittent le pays pour aller là où l’herbe est plus verte, ce n’est pas une mauvaise chose. Il y a un adage en Kirundi qui dit bien que « akanyoni katagurutse ntikamenya iyo bweze » .Si l’opportunité se présente, il faut foncer et saisir cette chance qui ne revient pas toujours deux fois.

Akeza.net : Pourquoi le basketball burundais peine-t-il  à se professionnaliser ? Où se situe donc le problème?

Jean HAKIZIMANA: Oui notre basket peine à se professionnaliser car il n’y a pas de moyens, non plus d’investisseurs. Tant que cette situation va demeurer telle qu’elle est, on n’ira nulle part. Le basketball burundais est amateur. Ce sont les membres qui souvent donnent quelque chose. Encore pire, quand le championnat commence, les clubs dépensent des millions (réceptions des joueurs, rémunérations des joueurs, habillement, chaussures et autres effets pour la saison) et tout ça vient des poches des membres. De surcroît à la fin du championnat, on donne à l’équipe vainqueur une enveloppe de 300.000 FBu et une coupe de 60.000FBu. C’est quand même malheureux. C’est pourquoi il sera très difficile de se développer.

Akeza.net: A quand un burundais à la NBA?

Jean HAKIZIMANA: J’espère qu’un jour on verra un burundais à la NBA [Rires…] C’est possible et nous en sommes capables. Mais il manque encore certaines choses comme les infrastructures de terrains et les moyens de développer  une académie de basket pour les jeunes. Mais également, il faudra que nos dirigeants puissent mettre en avant l’intérêt du basketball et non pas leur propre intérêt. Mais je reste confiant qu’un jour ça arrivera.

Akeza.net : Aujourd’hui vous êtes dans la trentaine, quels conseils pouvez-vous prodiguer aux jeunes talents émergents ?

Jean HAKIZIMANA: Ce que je peux leur dire c’est d’être toujours discipliné dans tout ce que vous entreprenez. Travailler dur, sans relâche, ne jamais dire que tu as tout appris. Au basket, on continue d’apprendre. Il faut écouter les conseils de tes coéquipiers, tes coaches et les membres et supporteurs. C’est à partir d’eux que tu apprends tes faiblesses et que tu essaies de les corriger. Il faut être passionné du basket et non pas se dire “si je n’ai pas ceci ou cela je ne vais pas jouer”. Il faut s’adonner au basket avec du plaisir et les bonnes choses viendront après, au bon moment. Il faut avoir un esprit de combativité, cherchez des challenges à affronter pour pouvoir vous améliorer plus.

Akeza.net : Un mot sur Kobe Bryant ? Que gardez-vous de lui ?

Jean HAKIZIMANA: Ohh la Légende Kobe. Même si sa mort a été tragique ! Je garde de lui  sa mentalité du jeu. C’était un vainqueur (winner), même après la douleur, il essayait de faire mieux, peu importe la souffrance qu’il ressentait. C’était un excellent scoreur (même quand il lui arrivait de manquer le panier, il ne se lassait pas, il continuait à shooter). C’était un grand bosseur, il adorait les challenges que les autres adversaires lui donnaient.

Akeza.net: Quelles personnes voudrais-tu remercier d’avoir joué un rôle clé dans ta vie ou dans ta carrière ?

Jean HAKIZIMANA: En premier lieu, je pourrais citer mon mentor d’enfance M. Laurent HABONIMANA. C’était un parent génial et très gentil qui m’inspirait beaucoup. Ses enfants étaient de la même génération que moi. Il m’a donné une bonne éducation, comme celle de ses enfants. Je passais du temps chez lui, je faisais mes devoirs là-bas même à la maison, il savait que j’aimais bien cet endroit. Donc, j’ai beaucoup appris de lui. Je lui en suis très reconnaissant.

En deuxième position, mes remerciements vont à l’endroit de ma deuxième famille : Dynamo. Plus particulièrement, deux personnes de mon club Augustin KARARUZA et Révérien NIYONKURU dit Ngoyi. Les deux ont cru en moi depuis mon arrivée à Dynamo. Ils ne cessaient de me prodiguer des conseils. Je remercie également le président de mon club (Joe Dassin RUKUNDO), les membres et les fans du club car le soutien, qu’il soit financier ou moral, qu’ils apportent aux joueurs. Cela nous va droit au cœur. On est fier de les avoir. « We are green for life. Je leur dit « allez Dynamo ishaka ishaka ».

Akeza.net: Quels bons souvenirs gardes-tu du basketball?

Jean HAKIZIMANA: Oooh…Je dirais être sacré champion de l’ACBAB. Pour moi ça représente beaucoup de choses, avec mon club. Un autre souvenir c’est ma deuxième année au sein de la division B, on a été sacré champions de l’ACBAB, des Playoff et du tournoi d’ouverture. C’était la première fois que je recevais une coupe et je venais de totaliser 3 coupes. Cette année-là, on n’a pas eu de défaite dans mon club. On a fait un exploit que personne n’avait réalisé dans la deuxième division jusque-là. Nous sommes toujours les seuls.

Akeza.net: Comment organises-tu ton emploi du temps entre le Sport et le Travail ?

Jean HAKIZIMANA: Le matin, je vais au travail avec tous les équipements de sport dans mon sac pour éviter de retourner à la maison. Après le travail, je vais directement faire du sport. Je m’entraine les jours impairs et les jours pairs (mardi et jeudi ). Quand je termine de faire le sport, comme je suis un grand cinéphile, je rentre à la maison et je regarde un film pour me relaxer la tête après une longue journée de travail. J’écoute aussi la musique. Les weekend,  si je n’ai pas de match, je me régale avec les amis. Mais si j’ai un match, je dois rentrer tôt pour me reposer afin de bien me préparer pour le match.

Akeza.net: Il est de coutume qu’après un match, les joueurs se rassemblent autour d’un verre, est-ce que Jean boit ?

Jean HAKIZIMANA: [Rires] Oui c’est vrai que cette culture existe. Non, Jean ne boit pas d’alcool [Rires…]. Après le match, beaucoup de fois je rentre d’abord pour manger et me reposer. Puis, je me réveille pour aller partager un verre avec les autres.

Akeza.net: Est-ce que les basketteurs burundais sont bien rémunérés?

Jean HAKIZIMANA: Non, les basketteurs burundais ne sont pas rémunérés car  notre basketball n’est pas professionnel. Seulement, tu bénéficies de certains avantages. Par exemple, on peut aider un joueur en lui payant ses études mais ça dépend de quel joueur. Ils n’ont pas tous le même niveau et ne sont pas traités au même pied d’égalité. Les meilleurs ont plus de privilèges que les autres.

Pour mon cas, j’ai pu bénéficier de frais pour l’Université. Ce que les joueurs gagnent c’est la connaissance, donc le diplôme que tu auras puisque on t’a payé les frais d’études. Il n’y a pas autre chose. Le reste est entre les mains du joueur. On est vraiment dans un championnat amateur, il n’y a pas de salaires. Mais aussi les membres t’aident quand il y a une opportunité d’emploi. Si un des membres tombe sur ton dossier, c’est très facile, tu es vite accepté pour l’amour du basket. C’est ça la beauté du basket [Rires]…

Akeza.net: Jean compte se marier bientôt ?

Jean Hakizimana : [Rires] Je ne sais pas quand mais c’est dans mes projets. Comme un adage en kirundi le dit si bien « hageze haba hageze  » il suffit d’être patient.

 

Fleurette HABONIMANA