L’incroyable histoire de « Maman Les Lierres » (78 ans), Tête et Cœur d’un club de foot au Burundi

L’incroyable histoire de « Maman Les Lierres » (78 ans), Tête et Cœur d’un club de foot au Burundi

Si on dit que le sang circule dans les veines, pour Maman Les Lierres, c’est sûrement le foot qui y coule. Alors qu’il est très rare de voir les femmes dans le monde du sport ( si masculin ) encore moins des femmes présidentes des clubs de foot , Maman Les Lierres est un exemple vivant et exceptionnel. A 78 ans et ce, malgré son handicap physique, elle est la toute première femme à avoir présidé et dirigé un club (Les Lierres) en première division burundaise en tant que propriétaire. Du jamais vu ! Coup de projecteur sur cette battante qui sue et se sacrifie pour l’encadrement des jeunes à travers le foot.

 

Quand on parle de « maman les Lierres », c’est le courage et la détermination qui se dégagent d’un seul coup

Une femme à multiples casquettes

 

On était jusque-là habitué à la burundaise Lydia NSEKERA dans le « Game » notamment pour avoir été la première femme à présider une fédération de foot(FFB), mais également à se frayer une place dans les plus hautes divisions du foot(CAF et FIFA).

 

Au niveau local, un autre visage féminin s’est façonné progressivement au fil des années dans la « discrétion ». Une certaine dame qu’on surnomme affectueusement « Maman Les Lierres », propriétaire et présidente d’un club de foot, Les Lierres (par référence à la plante grimpante « Lierre » qu’elle adore bien et qui embellit le petit jardin de son école). Un club qu’elle a pu maintenir en première division pendant 3 années successives (2017-2020) mais qui a fini par être relégué à l’issue de la saison bouclée (2019-2020). On la reconnait surtout sur sa chaise roulante quand elle vient assister aux matches au stade. Elle a toujours son coin derrière les bancs de touche du stade Intwari en dessous de la tribune d’honneur et en face de la clôture faite de grillages. Tranquille, c’est à partir de là qu’elle regarde son match.

 

Malgré son âge avancé (78 ans) et son handicap physique (amputée tibial de jambe gauche depuis 2013 suite au diabète), c’est une femme qui jongle entre les casquettes de fondatrice et présidente d’un club de foot (Les Lierres), de pédagogue-encadreuse (Fondatrice et Directrice de l’établissement scolaire et secondaire,  Les Lierres) et sans oublier de maman (3 enfants dont 2 garçons, l’un est déjà mort et une fille, morte aussi ). Il lui reste un seul fils , Jean Jean GIESEN, un grand passionné de Rallye bien connu dans la sous-région.  Des fonctions qui s’accumulent et qu’elle affirme marier bien. Quand on parle de « maman les Lierres », c’est le courage et la détermination qui se dégagent d’un seul coup. Posée et calme, c’est l’humilité, l’amour du jeu et l’assurance qui teintent son expression.

 

Une histoire du foot qui s’accorde au féminin

 

De son vrai nom Marie GIESEN, maman les Lierres est née en 1942 au Burundi, d’un père congolais et d’une mère rwandaise. Veuve, elle est belge par mariage. Sa passion pour le foot prend naissance dans sa jeunesse lors des matches de la Coupe du monde: « A cette époque, j’avais regardé tous les matches chez nous. A chaque belle action, je sursautais de joie au salon. Il y a ma mère qui était énervée et me disait toi là tu vas casser mes casseroles [Rires]. C’est à partir de là que j’ai commencé à aimer le foot », se rappelle-t-elle.

 

En 1974, elle quitte la Belgique pour s’installer au Burundi où elle créera un établissement scolaire, l’école Les Lierres en 1991. Sur l’initiative d’autres établissements privés comme l’école française, l’école belge, l’école internationale, etc , son école va commencer à prendre part à des tournois interscolaires de foot. Le début de tout…

 

Tout le monde était contre moi. Ils ne comprenaient pas pourquoi j’ai choisi d’investir dans le foot

Un cœur pour la formation des jeunes

 

Ayant à cœur l’encadrement des jeunes, maman les lierres décide de fonder un club de foot, les Lierres, afin de leur offrir un cadre d’épanouissement. Ce sera un club de foot à vocation sociale qu’elle va porter à bout de bras en offrant un cadre familial aux joueurs. « J’ai été touchée par des enfants qui venaient des familles pauvres mais qui aimaient beaucoup le foot. Je voulais tant les aider en les encadrant à travers le foot. J’avais même loué une maison pour ceux qui n’avaient pas de domicile jusqu’aujourd’hui. Nous avons commencé par les minimes, les cadets et on est monté progressivement vers les autres divisions ».

 

L’initiative du club ne sera pas la bienvenue. « Tout le monde était contre moi. Ils ne comprenaient pas pourquoi j’ai choisi d’investir dans le foot. On me disait que je perdais mon argent pour rien, que je n’allais rien gagner », raconte-t-elle.

 

Même si aujourd’hui elle se déplace sur une chaise roulante, maman les Lierres indique que cela n’a pas influé sur ses activités quotidiennes. « Je ne m’absente jamais quand mon club joue ou lors des entraînements. Même malade, je dois m’efforcer. Pour ce qui est de la gestion et suivi de mes activités, je peux déléguer ».

 

Lorsqu’on lui demande si le fait d’investir dans un championnat amateur comme celui du Burundi n’est pas une grosse perte, elle explique: « Quand on aime quelque chose on peut tout faire. C’est une question de passion pour le foot. C’est tellement dans mon âme et mon esprit ». En principe, gérer un club de foot exige beaucoup de moyens (salaires, primes de match). Sur ce point,  elle confie : « Je n’ai pas de sponsor. Je finance moi-même mon propre  club grâce aux revenus de mon école et parfois de la vente des joueurs ».

 

« Ce sera un plaisir, si je meurs sur la pelouse.. »

 

« C’est une femme extraordinaire qui a une culture d’encadrement des jeunes. Elle ne se décourage pas. Même si il y a d’autres femmes qui ont des clubs, ce sont des legs de la part de leurs époux pour certaines. Ce n’est pas du tout dans le même calibre que maman les lierres. Celle-ci se distingue car elle a fondé elle-même son club et l’a propulsé des divisions inférieures jusqu’en première division », témoigne Youssouf MOSSI, président de la commission des compétitions à la FFB.  Un témoignage que Patrick HARAKANDI, journaliste des sports à la RTNB appuie: « C’est une dame qui a de l’amour. Il a aidé beaucoup de jeunes en les éduquant gratuitement à son école. Elle est vraiment sociable et à l’écoute de tout le monde ».

 

Comme son club a été relégué en deuxième division à l’issue de cette saison bouclée (ce qui l’a fait mal), ils sont nombreux à la décourager en lui disant d’abandonner car elle ne gagne rien et elle risque de s’écrouler un jour sur les terrains compte tenu de sa santé. Sa réplique est simple : « Ce sera un plaisir si je meurs sur la pelouse. Je ne peux pas abandonner ». Toutefois, elle garde espoir de revoir son club en première division, nous dit celle qui adore une équipe qui joue bien.

 

Il est à noter qu’à part son club qui vient de descendre en 2ème division, elle a aussi des clubs en 3ème division et dans les cadets. Elle a déjà été primée à 2 reprises (2016 et 2017) comme la première femme sportive au niveau de la FFB et détient une dizaine de coupes avec son club qu’elle a obtenu dans les divisions inférieures. Son plus grand rêve: remporter la Primus League et participer à des compétitions internationales.

 

Fleurette HABONIMANA