Les Chroniques du Vagabond : Ligala.com

Les Chroniques du Vagabond : Ligala.com

Qu’elle est incroyable cette vie ! Parfois acteur et souvent simple spectateur, nous vivons tous les jours des choses marquantes. Nous rencontrons des personnes incroyables et nous sommes témoins de faits, tout aussi remarquables qu’insolites. Tout au long de 3 décennies de vie sur cette terre, j’ai vu, entendu et vécu des choses qui méritent d’être dites et qui se doivent d’être partagées. Allant et revenant, passant d’un endroit à un autre tel un voyageur, à la fois étranger et enfant du pays, je suis le témoin de la beauté, l’ingéniosité et la créativité de l’être humain ; de sa folie, de son ignorance et même – excusez-moi – de sa stupidité. D’ici et d’ailleurs, appelez-moi « Le vagabond », témoin de la vie, de ses merveilles et de ses absurdités.

 

Lorsque l’on grandit à Bujumbura, que l’on soit des quartiers résidentiels ou des cités, une chose reste commune à tous les jeunes. Une sorte d’institution à laquelle très peu de jeunes – garçon pour la plus part – ne peuvent échapper. Au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, je parle de l’éternel « LIGALA ». Et oui ! Ce sacré coin de rue. Le coin de toutes les histoires où on y fait des rencontres aussi surprenantes qu’insolites. Chaque quartier, chaque rue possède son « Ligala ». Cet endroit où les jeunes vont tuer le temps lorsqu’il n’y a rien d’autre d’intéressant à faire. Bref le coin de détente parfait.

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Les années passent mais le « Ligala » reste. D’une génération à l’autre, les jeunes des quartiers de la ville aiment passer du temps dans ces coins. Qu’ils soient adolescents ou chômeurs en manque d’activités, le « Ligala » accueille tout le monde sans distinction. Un vrai « Open Space ».

Il faut dire que l’on entend de tout dans ces petits coins de rencontre. Rumeurs, ragots, idée reçues, « fake news » et bien plus encore. Tout se dit « Mw’i Ligala ». C’est le monde des experts, des spécialistes, des connaisseurs. Bien évidemment, c’est avec assez d’ironie que je le dis puisqu’il est difficile de vraiment donner du crédit à ce qui se dit dans ces coins. Les pseudos journalistes, médecins, politologues, économistes, même les apprentis pasteurs et que sais-je encore pullulent dans les « Ligala ». Et si vous pensez que les hommes ne sont pas commères, vous serez surpris de voir le nombre de ragots et rumeurs que peuvent raconter les hommes lorsqu’ils sont ensemble. « Man, uzi ko umu sista wa Jordy afise inda ? », (mec, tu sais que la sœur de Jordy est enceinte ?) une phrase que vous entendrez souvent dans un « Ligala ». Bref, tout s’y dit et souvent sans source, ni preuve.

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Certes, il est bon pour les jeunes d’avoir un coin à eux, en dehors des cercles sociaux habituels (famille, école, église etc.) mais il faut avouer que ces « Ligala » peuvent vite devenir des lieux de perdition pour de nombreux. En plus de parler de tout et de rien, le « Ligala » se transforme très vite en lieux de débauche. Alcool et fumette (et je ne parle pas que de cigarette) deviennent les compagnons de causette de ces jeunes très souvent en manque de repère.

C’est également un lieu de grande distraction pour les chômeurs qui à défaut d’aller chercher du travail, de chercher un moyen de s’en sortir (parce que la vie est dure), se laissent emporter dans les méandres de la désinformation que sont le « Ligala ». Pour certains, se pointer au « Ligala » est presque similaire à se pointer au boulot. C’est-à-dire combien de fois ceux-ci peuvent devenir le cimetière de tous les rêves et ambitions. Plus le temps de plancher sur les projets, on veut être au « Ligala » pour entendre les derniers ragots ou en donner.

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Alors oui, aller au « Ligala » n’est pas mauvais en soi. On s’y sent à l’aise, on y passe du bon temps et ça a le don de nous relaxer. Mais attention, ne laissons pas le « Ligala » nous emporter et nous faire perdre le sens des priorités. Et même si tous les « Ligala » ne sont pas toujours nocifs, apprenons à les fréquenter avec sagesse et prudence. On ne sait jamais lorsque l’on tombe dans un trou jusqu’à ce que cela arrive.

Sur ce, prenez soin de vous et passez un bon week-end

 

Le Vagabond