Jeanne Gapiya se raconte dans une vidéo saisissante pour le compte de la BBC : Extraits !

Jeanne Gapiya se raconte dans une vidéo saisissante pour le compte de la BBC : Extraits !

La vidéo s’ouvre sur ces mots : « on nous annonce les résultats de façon brutale. Votre bébé est atteint, il est malade du sida, il va mourir.  Vous aussi d’ailleurs ». On dirait l’introduction d’un film. Sauf que non, ce n’était pas un film. Ceci, Mme Jeanne Gapiya l’a vécue. Face caméra, elle raconte à la BBC cette histoire qui est la sienne, mille fois contée et racontée, mais toujours d’actualité. Dans un reportage qui dure 5 min, elle raconte comment elle est passée de victime victimisée à la face connue du combat contre le sida en Afrique et au Burundi en particulier. Mais aussi comment elle a retrouvé l’amour, la dignité, la maternité…

« Je ne savais pas que le VIH SIDA était au Burundi. J’étais comme les autres, c’était une maladie des autres. C’était une maladie des blancs, c’est ce qu’on nous disait».

S’il fallait en préciser l’ampleur, la vidéo a déjà été vue plus de 150 000 fois. 26000 Likes, 244 commentaires, 2300 partages sont les autres éléments de ces statistiques en constante augmentation. Nous avons repris des extraits de la vidéo, rien que pour vous. Lisons !

 

Les débuts, le choc !

 

« Je ne savais pas que le VIH SIDA était au Burundi. J’étais comme les autres, c’était une maladie des autres. C’était une maladie des blancs, c’est ce qu’on nous disait. On disait que c’était une maladie des homosexuels. Et comme on est dans le déni, on dit qu’il n’y en a pas dans nos pays, donc ça ne me regarde pas »

Voir la vidéo ici : https://www.facebook.com/BBCnewsAfrique/videos/2176365822374373/

« Feu mon mari était un bel homme bien musclé. Pour moi, un malade du sida, ce qu’on nous montrait c’était tout l’opposé de ce que je voyais. C’était un choc bien évidemment, mais pour moi le choc c’était beaucoup plus mon bébé ».

«Il y a le prêtre qui dit ‘on va prier pour les malades du Sida et pour les morts du SIDA. Mais de toute façon, les gens qui ont le sida qui sont morts, ils ont eu ce qu’ils ont cherché car c’était des pécheurs’ ».

 

Le 1er décembre 1994, elle remet en cause la parole du prêtre…en pleine messe !

 

« Il y avait une messe pour les morts du SIDA. Je me suis dit je vais aller prier pour mon bébé, pour mon mari, pour ma sœur, pour mon frère. Car cette maladie m’avait pris autant de gens. Et quand j’arrive, il y a le prêtre qui dit ‘on va prier pour les malades du Sida et pour les morts du SIDA. Mais de toute façon, les gens qui ont le sida qui sont morts, ils ont eu ce qu’ils ont cherché car c’était des pécheurs’ ».

« La cathédrale Regina Mundi pour ceux qui connaissent le Burundi, c’est la plus grande cathédrale. J’ai dit, ‘je ne suis pas d’accord avec ce que le prêtre vient de dire. Je viens de perdre un enfant, qui avait 18 mois, qui était baptisé. On ne peut pas trouver plus ange que lui. Pourtant on vient de le condamner’. Et j’ai enchainé, j’ai dit ‘moi-même je vis avec le VIH mais je ne me considère pas comme une pécheresse plus que les autres ».

« Mais quand mes nièces sont allées à l’école, tous les enfants leurs amenaient les journaux de classe pour leur dire ‘amène à votre tante pour me faire une autographe ‘».

 

Faire face à la famille…le regret

 

« Mais je suis rentrée, il y a ma sœur qui est vraiment comme une mère, qui m’a élevée et qui me dit ‘mais pourquoi tu as fait ça ? Est-ce que tu as pensé à nous, est ce que tu as pensé à tes nièces qui vont aller à l’école, qui vont être discriminées’ ? J’ai eu un moment de regret, et j’ai dit ‘c’est trop tard’ ».

 

Surprise !

 

« Mais quand mes nièces sont allées à l’école, tous les enfants leurs amenaient les journaux de classe pour leur dire ‘amène à votre tante pour me faire une autographe ‘. Du coup c’était l’effet inverse, et dans les rues, tout le monde klaxonnait pour dire Bravo ! Et c’était une libération »

« A ce moment-là, les gens qui étaient à la messe sont venus me dire : ‘tu ne peux pas imaginer comme tu nous as soulagé. On était comme toi révolté, mais on ne pouvait pas le faire ».

 

Le combat pour les médicaments

« Même les gens de l’OMS  disaient ‘ ce sont des médicaments très couteux, et ce sont des médicaments très exigeants, et les Africains ne savent pas lire la montre, et ils n’ont pas de frigo’.

 

« Quand les traitements sont arrivés dans les pays du nord, alors que beaucoup de malades étaient au Sud, là aussi c’était un autre combat. Je me suis battue pour que l’Afrique en général ait les traitements, et mon pays en particulier. Je peux vous dire que ça n’a pas été facile ».

 

« Même les gens de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé, NDLR), ils disaient ‘ ce sont des médicaments très couteux, et ce sont des médicaments très exigeants, et les Africains ne savent pas lire la montre, et ils n’ont pas de frigo’. J’ai toujours dit qu’il ne faut pas qu’on continue à parler, il faut qu’on démontre. J’ai commencé au Burundi avec très peu de gens sous traitement, et j’ai démontré que les africains, même les analphabètes peuvent bien comprendre les traitements, il suffit de mettre des services pour les accompagner »

 

Le chemin vers l’amour et la maternité

« J’ai relevé un autre défi, parce qu’en Afrique, quand on perd son mari et qu’on est veuve, autant l’homme peut avoir 50 ans, on va le pousser à se remarier avec une jeune fille, mais les femmes, quand tu es veuve, c’est fini pour vous. Et moi j’étais veuve et infectée ».

« Quand j’étais au Congo Brazzaville, j’ai fait un témoignage, et il y a un grand homme parlementaire qui vient me trouver où je suis et me dit ‘Mme, c’est vous qui avez fait le témoignage hier ? » Je dis oui. Il me dit ‘malgré ce que vous avez fait, je suis prêt à vous épouser’. Je dis moi non. Parce qu’en fait il pensait qu’il me faisait une faveur. Comme je suis infectée, je n’ai pas le droit de choisir ? De me marier avec quelqu’un que j’aime ?  Et ça, c’est des choses que j’ai toujours refusé ».

« Heureusement, je me suis remarié avec un homme que j’aime et qui m’aime, et qui m’a permis de redevenir maman. J’ai deux grands garçons adorables. Un qui vient de terminer son master et un autre qui termine sa licence. Mais je suis une maman de plus de 2000 orphelins. Et ils disent ‘un jour tu seras la maman d’un président’, et je pense que ça va être le cas car ils ont de l’ambition et ils peuvent le faire ».

 

Jeanne GAPIYA est le symbole de la lutte contre le SIDA au Burundi. Ce combat qu’elle vient de mener 24 ans durant a fait d’elle une figure planétaire avec une aura rare. Elle a sauvé des milliers de vies et endigué un fléau qui n’avait pas de nom. C’est l’une de ces héroïnes modernes dont le Burundi, l’Afrique et le monde peuvent être fiers. En la regardant parler, on ne peut qu’être inspiré. Et penser que quelle que soit la situation, avec assez de détermination et de volonté, on peut changer le cours de l’histoire, inverser la courbe et réaliser de grandes choses pour soi, pour sa nation, pour le monde.

Espérons que son histoire en inspirera d’autres et fera naitre des vocations.

LM