Du ‘’Liebe’’ pour la 3è édition du festival ‘’Buja Sans Tabou’’

Du  ‘’Liebe’’ pour la 3è édition du festival  ‘’Buja Sans Tabou’’

L’affiche de la troisième édition du festival « Buja Sans Tabou »

Laura Sheïlla Inangoma, jeune actrice passionnée de 24 ans, s’est entretenue avec Akeza.net sur la pièce ‘’Liebe’’ (amour). Rencontre avec l’héroïne de la pièce.

Akeza.net : De quoi parle la pièce ‘’Liebe’’ ?

Sheïlla : c’est une histoire tragique. Je joue le personnage d’Inangoma (Tutsi). Mon mari Kibuye (Hutu) devenu cruel à cause de l’assassinat du premier président élu de son ethnie. Claudine (Hutu est une jeune veuve dont le mari (Tutsi) vient d’être assassiné par une milice tutsie. Elle est battue, violée et tuée. Amie à Inangoma, elle a vécu la même histoire macabre qu’elle. Cette dernière, avant de rendre son âme, se réfugiera chez une vielle dame dont le mari n’a pas été épargné lors de l’élimination systématique de l’élite hutu en 1972.

La pièce met à l’honneur la femme. Malmenée, brutalisée, elle garde néanmoins la tête haute. Protégée par sa mère de la mort, Nina sera porteuse d’un futur radieux par son témoignage à travers un journaliste allemand qui raconte ces histoires macabres dans sa langue maternelle. Une prouesse pour les acteurs de la pièce dans la langue germanique. ‘’Liebe’’, en trois langues, est une pièce qui vise la réconciliation, qui fait découvrir au spectateur que l’autre, qu’il considère comme son ennemi, vit les mêmes injustices, le même isolement,… La pièce est un espoir qu’un jour de l’atrocité renaitre une civilisation de l’«Ubuntu », de l’«Ijambo », de l’« Ibanga » et de l’« Ubushingantahe ».

 

Akeza.net : Parlez-nous du festival ‘’Buja sans Tabou’’ ?

Sheïlla : Le festival ‘’Buja sans Tabou’’ fait un travail noble et complet! Les artistes vivent des semaines dans le bain de leurs passions, mais ils sont aussi formés lors des ateliers menés par des professionnels durant deux semaines. L’autre avantage est que les spectacles sont gratuits. Ces derniers, issus d’ici et d’ailleurs, passe par une sélection minutieuse et réfléchie, avec toujours le même thème : briser le tabou.

Il est la preuve irréfutable du travail acharné de Freddy Sabimbona, directeur artistique du festival et de tous les autres membres de l’organisation. Chaque acteur passionné en prend de la graine à chaque nouvelle édition grâce aux représentations et surtout aux ateliers de formation.

Pour cette 3è édition, ces derniers porteront sur le jeu d’acteur, la mise en scène comme il était de coutume. Elle est aussi caractérisée d’innovations comme la danse contemporaine et la scénographie qui font également parties des arts plastiques. J’ai hâte d’être au rendez-vous pour avoir une autre occasion de rejoué ‘’Liebe’’ et participer à redonner encore une fois l’espoir au burundais.

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Akeza.net : Quel est le regard que vous portez sur le théâtre?

Sheïlla : Pour moi le théâtre est un art où la magie s’opère, et que la création est justifiée. Que ce soit la réalité ou l’histoire imaginaire jouée, le jeu d’acteur, la mise en scène, les lumières, les sons créés ou cris poussés,… Il provoque des sentiments réels à partir d’un jeu évident et connu. C’est un échange direct et fort entre la scène et le public.

Le théâtre éduque par le message qui y est véhiculé mais aussi cultive l’art de l’écoute! Il peut aussi être un lieu de loisir ou d’échange culturel. Les mots « art vivant » qu’on lui attribue signifient énormément pour moi! Le théâtre, c’est la vie! Il donne une image de la vie, critique la vie ou la mort, transforme la réalité.

Le théâtre est, aujourd’hui, un milieu où je me sens à la fois riche comme un roi et pauvre comme un mendiant. Riche parce qu’il ouvre l’esprit et de là plusieurs portes. Pauvre parce qu’il ne génère pas assez d’argent pour pouvoir en vivre amplement. Je pense continuer dans ce métier qui est moteur pour moi et surtout pour le public avec lequel nous partageons des moments forts, drôles, tristes, honteux ou admirables.

 

Akeza.net : Quelles sont vos débuts dans le théâtre ?

Sheïlla : C’est l’auteur de la pièce ’’Liebe’’ qui est venu demander à notre direction au lycée s’il y avait des jeunes talentueux qui accepteraient de fonder une troupe théâtrale pour jouer une pièce qu’il avait écrite. Comme je participais déjà dans le club de lecture, organisé à l’époque par la Francophonie, il s’est dirigé vers moi. Marshall deviendra plus tard une des voies pour moi. Par après, nous nous sommes réunis, avec d’autres volontaires des autres lycées pour choisir le nom de la troupe : Les Enfoirés de Sanoladante. De là, nous avons débuté les répétitions de sa première pièce de théâtre « La Vie Mesquine ».

 

Akeza.net : Pensez-vous avoir trouvé votre voie?

Sheïlla : Trouver sa voie, c’est identifier un travail qui met en concordance ce que vous faites avec ce que vous êtes, dit-on. J’ai su que j’avais trouvé ma voie quand un certain Atôme, acteur et ami à moi, lors de nos premières répétitions, m’a dit : « sur scène, le public ne veut pas de Laura Sheïlla, mais de ‘’Gacucu’’ (pseudonyme qu’on donne à mon caractère) ». Avoir l’opportunité d’être une autre, ressentir les choses autrement et être quelqu’un de complètement différent correspond à ce qui va approfondir mon humanité.

J’étais et reste une personne qui va vers l’autre et curieuse de ce qui est nouveau. Qu’on aime ce qu’on dit ou pas, on t’écoute et parfois on te comprend. Quand on est comédien dans le théâtre, nous avons plusieurs façons d’approfondir notre humanité. Le théâtre me donne tout cela. Ma voie elle était trouvée.

 

Akeza.net : Elle parle de quoi votre premier chef d’œuvre ?

Sheïlla : Une pièce plutôt joyeuse, témoin de ce que la société attend de la femme et de l’homme. C’est une continuité de scénettes parfois guerrières, parfois drôles, parfois provocantes et sont accompagnées de monologues issus de vrais témoignages. Elle reste doublement une comédie et un drame.

Cinq actrices et cinq acteurs vont l’interpréter. Ils viennent des différentes troupes de théâtre (Les Enfoirés de Sanoladante, troupe Lampyre, troupe Umushwarara, troupe YETU Drama, Shakespearean Troup). Ces acteurs sont accompagnés de deux danseurs et un musicien.

 

Akeza.net : Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire votre pièce ?

Sheïlla : C’est la journée mondiale de la femme. Je ne comprends pas pourquoi les gens ne voient pas l’importance de la « journée internationale de la femme ». Peut-être parce que l’homme n’est pas inclus? Que pensent les hommes de cette journée? La femme réussira-t-elle à vraiment s’émanciper « en s’imposant » ou « en s’alliant » à l’homme? L’homme acceptera- t- il l’émancipation sans ressentir cela comme une compétition vers le succès mais plutôt une force ajoutée vers une prospérité commune? Ces questions m’ont poussée à prendre ma plume.