Défis de l’industrie de transformation des fruits au Burundi : ces dix obstacles qui empêchent l’essor du secteur

Défis de l’industrie de transformation des fruits au Burundi : ces dix obstacles qui empêchent l’essor du secteur

Un certain nombre de contraintes bloquent les entrepreneurs dans le business du fruit au Burundi. Ainsi de la plantation, la récolte, la conservation, la transformation à l’écoulement du jus ou de la confiture transformée localement, se dressent   des défis liés à l’environnement socio-économique du pays et de la sous-région.

 

La conservation des produits fruitiers

Les fruits sont très riches en eau. Pour les  conserver, l’emballage et les conditions d’entreposage avec des infrastructures adaptées sont essentiels. Or comme nous le raconte un agriculteur de Cibitoke «  aussitôt le fruit mûr, il faut vite trouver un acheteur. Dans l’urgence, on perd beaucoup parce qu’on est obligé de les vendre à un prix dérisoire et une certaine quantité est carrément jetée. Aussi, nous avons de réels problèmes pour les transporter, les emballer. Le choix qui nous reste est celui de les vendre avant qu’ils ne soient mûrs, parfois encore dans les champs. L’acheteur à ce niveau baisse le prix parce qu’il estime qu’il prend des risques.»

Problème d’accès aux outils et machines modernes de production hautement performants et répondant aux normes reconnues mondialement

Pour pouvoir conquérir le marché international, il y a des standards en matière d’hygiène et de qualité à respecter.  Pour avoir un certificat de  l’Organisation Internationale de la Normalisation, il faut respecter certaines règles qui impliquent de gros investissements. C’est un grand défi d’autant plus que même les standards du Bureau Burundais de Normalisation ne sont pas respectés par la plupart des unités de transformation de fruits surtout celles artisanales et semi-industrielles.

Problème d’accès aux financements à moyen et long terme avec des taux d’intérêt raisonnables 

Au Burundi, le secteur agricole a difficilement accès au crédit avec moins de 6% des agriculteurs possédant un compte bancaire. Le problème de financement se pose donc en premier lieu du côté des agriculteurs et se répercute du côté des unités de transformation dans la mesure où elles n’ont pas de  produits en quantité et en qualité suffisantes suite au manque de moyens. A ce niveau, le docteur Salomon Nsabimana constate aussi : « la plupart des unités de transformation des fruits en jus présents au Burundi ont été initiées par différents projets de coopération au développement. Après la clôture du projet ou le départ de l’ONG, les associations bénéficiaires des unités installées sont souvent livrées à elles-mêmes sans encadrement, se disloquent et arrêtent leurs activités de transformation ».

 

Un manque de compétence  et de maîtrise de la technologie agroalimentaire au niveau national

La main-d’œuvre dans les champs comme dans les unités de transformation est accessible. Toutefois, il est rare au Burundi de trouver des chimistes capables de transformer les fruits selon les normes. Le peu de personnes qualifiées sur le marché du travail  sont employés par de grandes usines avec des moyens pour les rémunérer.  Les petites et moyennes  unités de transformation des fruits se retrouvent livrées à elles-mêmes en mettant sur le marché des jus ne respectant pas les normes.

 

La faible production agricole et l’accès aux matières premières

 La production agricole burundaise fait face à de nombreux obstacles notamment d’ordre agronomique, climatique, socio-économique et institutionnel. L’un des défis majeurs  au  niveau du secteur de l’agro-alimentaire en général est l’accès à un espace physique suffisant pour intensifier l’agriculture. Ainsi, les régions cultivables sont surpeuplées ce qui diminue l’espace pour cultiver. L’accès à l’engrais chimique et aux semences au niveau quantité et qualité reste un obstacle  pour les agriculteurs dans le domaine du fruit. La quasi-totalité des unités de transformation des fruits en jus s’approvisionnent sur le marché local. Certaines grandes entreprises comme Savonor et Fruito ont leurs propres champs.

 

Le manque d’infrastructures et d’énergie

Cette réalité a un impact négatif tant sur la transformation que sur la conservation des fruits qui se fait souvent au frais. Aussi, l’approvisionnement en eau pendant la saison sèche reste un problème surtout pour des plantations assez vastes. Concernant l’énergie, l’usage des générateurs électriques impacte directement le coût de production et donc le prix. Le manque d’électricité peut être à l’origine d’une qualité souvent médiocre des jus surtout pour les unités de transformation artisanale.

Le manque de marchés d’écoulement

Dans bien des cas, consommer les fruits simplement ou les jus de fruits reste un luxe pour la plupart des burundais. Ainsi, le prix d’une bouteille de jus variant entre 1000 Fbu et 3000 Frbu (autour de 0, 50 dollars à 1 dollar) selon la qualité reste hors de portée pour une large majorité d’une population qui vit en dessous du seuil de la pauvreté. La concurrence des limonades moins chères et d’une qualité supérieure est aussi un problème pour l’écoulement de ces jus de fruits. Il faut relever aussi que le fruit en général n’entre pas dans les habitudes de consommation de la plupart des burundais adultes. Le non-respect des standards internationaux et sous-régionaux bloque l’exportation des jus issus des unités de transformation semi-industrielles et artisanales.

Lire aussi : La transformation des fruits au Burundi : Un secteur en forte progression

 

Problème d’accès aux emballages appropriés

 La plupart des unités de production artisanales et semi industrielles récupèrent et recyclent  les bouteilles en verre ou en plastique des autres produits locaux ou importés. Cette pratique reste un frein dans la mesure où ces unités ne disposent pas d’un matériel qui peut garantir l’hygiène de ces emballages. Ne respectant pas les normes phytosanitaires et d’hygiène, cela empêche entre autres l’exportation de ces produits. Compte tenu du manque de moyens, le packaging de ces produits ne s’inspire d’aucune stratégie marketing et freine ainsi l’élan d’un consommateur avisé.

 

Concurrence des produits importés:

Le marché burundais est envahi par des produits de meilleure qualité provenant de la sous- région, du Moyen-Orient et de l’Occident. Pourtant, ces produits concurrents ne sont pas naturels et sont plus chers. Les Burundais qui ont un pouvoir d’achat préfèrent ces produits importés beaucoup plus crédibles à leurs yeux.

 

Cadre légal et réglementaire non vulgarisé 

Le secteur industriel surtout agroalimentaire a ses règles étant donné qu’il est directement lié aux enjeux impliquant la santé publique. La plupart des entrepreneurs du secteur tentent de se lancer dans ce secteur sans connaître la loi. Les propriétaires des unités de transformation de fruits surtout artisanales se plaignent en estimant que le Bureau Burundais de Normalisation (BBN) place la barre très haut  en exigeant le respect des normes impliquant de gros investissements. Ainsi, un certain nombre préfère travailler dans l’illégalité.

 

Elvis NDAYIKIZA