Confidence : Violée, battue et laissée pour morte, Suzanne raconte son calvaire

Confidence : Violée, battue et laissée pour morte, Suzanne raconte son calvaire

Les bras de Suzanne* couverts de cicatrice ©Akeza.net

Dans le cadre des 16 jours d’activisme pour les droits des femmes en milieu professionnel qui ont débuté le 25 novembre et pris fin le 10 décembre, l’ONG Actionaid  a organisé une journée de mobilisation sur les violences faites aux femmes dans la province de Ruyigi. Une activité qui s’est déroulée dans les communes Ruyigi et Butaganzwa et qui a vu la participation de plus d’une centaine de femmes, accompagnées des « Activista » de Actionaid. Parmi les femmes présentes à la journée de mobilisation, quelques-unes dont Béoline, ont exposées publiquement ce qui leur est arrivé, histoire de sensibiliser les autres à briser le silence.


A 18 ans, Suzanne
Nihondi* a été battue et laissée pour morte par l’homme qui l’avait violée et mise enceinte. Une année après les faits, la jeune fille se confie et se dit prête à mener le combat.

Native et résidente de la province Ruyigi, la jeune victime a vécu l’enfer. Elle est violée et mise en enceinte par un de ses professeurs au lycée. Pour ne pas ébruiter l’affaire et se voir emprisonner, le professeur promet d’être là pour le futur enfant. Mais cela ne tarde pas, il commence à esquiver Suzanne. Pour couronner le tout, «  Il [le professeur] m’a devancé et a déposé une plainte contre moi. Comme quoi je mentais à propos de la paternité de l’enfant et donc il n’allait pas payer pour un enfant qui n’était pas le sien » se souvient-elle.

Suzanne est convoquée par le chef de commune, qui ensuite les conseille de régler cette affaire à l’amiable. Le professeur semble ne pas coopérer. « Il ne voulait pas régler à l’amiable mais après que ses amis et collègues l’aient persuadé de le faire, il a envoyé quelqu’un pour me dire qu’on devrait se rencontrer pour voir ce que l’on pourrait faire au sujet de l’enfant, de son avenir et du mien », nous raconte Suzanne.

Elle prend rendez-vous le lundi 18 juin 2018, une décision qu’elle préfèrerait ne jamais avoir prise. Elle rencontre alors le père de l’enfant sur une route près de chez lui. Tandis qu’ils discutent, un ami du professeur vient les rejoindre et cela fini en coups de machette et blessures mortelles. « On discutait tranquillement quand un de ses amis est arrivé avec une machette et puis a commencé à me frapper avec et je suis tombée sur le ventre. Au lieu de m’aider à me relever, le professeur m’a trainé vers chez lui par les jambes pour que personne ne les voit en train de me séquestrer».

 

« Lavons-nous son sang et cherchons où l’enterrer  »

Dans un endroit dépourvu de tout œil extérieur, Suzanne est frappée à coups de machette et essaie de se défendre et de se protéger avec ses bras  mais en vain. « Après m’être défendue sans succès, j’ai réalisé que je ne pouvais pas les vaincre seule alors ce que je pouvais faire était de me protéger le visage et de protéger mon enfant. A un certain moment, je ne pouvais plus bouger ni crier. Ils ont cru que j’étais enfin morte. Ils ont arrêté de me frapper et l’un d’eux a dit ‘Si la machette était parfaitement limée, on l’aurait achevé en moins de deux. Mais l’important est fait, lavons-nous son sang et cherchons où l’enterrer’ ».

Gisant dans son sang, Suzanne entend ses agresseurs s’éloigner et en profite pour demander de l’aide. « C’est maintenant ou jamais » s’est-elle dite. « J’étais à bout de force mais je me suis dite que si je restais là, ils allaient m’enterrer vivante ou me couper la tête pour en finir. En tout cas, ça n’allait pas bien finir pour moi. J’ai rampé vers les voisins du professeur, puis j’ai marché jusqu’à pas loin de là pour trouver de l’aide dans les parages.  Heureusement j’en ai trouvé et ils m’ont emmené à l’hôpital » poursuit Suzanne.

A son réveil, elle fait sa déposition auprès de l’officier de police qui était présent à l’hôpital. Battue à six mois de grossesse, Suzanne a perdu son enfant. Après deux semaines d’hospitalisation, elle rentre chez elle grâce aux différentes associations qui l’ont aidé à payer la facture qui s’élevait à plus de deux millions de francs burundais.

En dépit de ce qui s’est passé, Suzanne ne perd pas espoir. Elle croit en la bonté de l’humanité et mène son combat au jour le jour.

*Pour des raisons de confidentialité, le nom et l’âge de la victime ont été modifiés

 

Miranda AKIM’